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Résumé de la grammaire romane. Chapitre II. Substantifs.

Chapitre II. 

Substantifs

Ils étaient masculins ou féminins. 

L’ article, la terminaison, les faisaient ordinairement reconnaître, et indiquaient le singulier ou le pluriel.

Comme on ne peut pas dire qu’ il existe des CAS dans les langues dont les substantifs ne varient pas leurs désinences d’ une manière qui désigne ces CAS, il m’ a paru plus simple de les distinguer en Sujets et en Régimes, avec d’ autant plus de raison que la langue romane possédait une forme caractéristique, spéciale pour les distinguer.

Au singulier, l’ S final attaché à tous les substantifs masculins et à la plupart des substantifs féminins terminés autrement qu’en A, indiquait qu’ ils étaient employés comme Sujets; et l’ absence de l’ S, qu’ ils l’ étaient comme Régimes directs ou indirects.

Au pluriel, les sujets ne recevaient pas l’ S, qui, au contraire, s’ attachait aux régimes directs et indirects.

Les noms féminins en A, sujets ou régimes, ne recevaient jamais au singulier l’ S final, et l’ admettaient toujours au pluriel.

Les substantifs qui originairement se terminaient en S, le conservaient soit au singulier soit au pluriel, comme Ops, besoin, Temps, temps, Vers, vers.

Concurremment avec cette règle il existait toutefois une forme particulière qui faisait distinguer au singulier le sujet et le régime de quelques substantifs masculins. Ces substantifs reçurent la finale AIRE, EIRE, IRE, comme sujets au singulier, Trobaire, troubadour, Bateyre, batteur, Servire, serviteur, et la finale ADOR, EDOR, IDOR, comme régimes directs ou indirects au singulier, et comme sujets ou régimes au pluriel, Trobador, Batedor, Servidor.

L’ S ne s’ attachait jamais à ces sortes de substantifs au singulier, parce que la terminaison suffisait pour distinguer le sujet en AIRE, EIRE, IRE, du régime direct ou indirect qui était toujours en ADOR, EDOR, IDOR, mais au pluriel, qui avait toujours cette dernière désinence, l’ S marquait les deux espèces de régimes.

Plusieurs substantifs, par leur double terminaison masculine et féminine, pouvaient être employés tour à tour dans le genre qui convenait aux auteurs comme fuelh, fuelha, feuille; joy, joya, joie; ser, sera, soir; dons (: dona), domna, dame: mais alors, pour ce dernier substantif, le pronom possessif qui était joint à dons, était MI, TI, SI, au lieu de MA, TA, SA:

MI dons, SI dons, etc.

EN, placé devant un nom propre masculin, indiqua une sorte de distinction de la personne, et signifiait seigneur, sire: En Peyrols, En Guilems. 

(N. E. Creo que de mossen, mon seigneur, senher etc.: ‘N Uc, N’ Anfos.)

NA, au-devant du nom d’ une femme, avait la signification de dame, domiNA: NA Maria, Na Margarida.

Ces signes furent placés même devant les sobriquets ou noms fictifs qui 

étaient donnés à des personnes qualifiées.

Ils furent ajoutés quelquefois aux mots qualificatifs senher et domna:

senher EN Enric, domna NA Maria.

NA subissait parfois l’ élision devant les noms qui commençaient par des 

voyelles: N’ Agnes pour Na Agnes.

De même, en poésie, pour la mesure du vers, on écrivait indifféremment EN ou N, quand le mot précédent se terminait par une consonne.

Enfin au lieu de EN, on employa aussi DON, DOM, venant de dominus, et qui avait la même signification.


Verbes employés substantivement.


A l’ exemple de la langue grecque et de la langue latine, les présents des infinitifs furent souvent employés substantivement.

Comme sujets, ils prirent ordinairement l’ S final.

Comme régimes ils rejetèrent cet S.

Les régimes indirects furent précédés des prépositions qui les désignaient.

Quelquefois l’ article fut joint à ces verbes, soit sujets, soit régimes; quelquefois ils furent employés sans articles, ainsi qu’on le pratiquait à l’ égard des substantifs mêmes.

Aux verbes employés substantivement s’ attachèrent comme aux véritables substantifs, les pronoms possessifs, démonstratifs, etc., et tous les différents adjectifs; en un mot, ces verbes remplirent entièrement les fonctions des substantifs ordinaires.

Par analogie, les gérondifs furent aussi employés substantivement, et alors ils étaient précédés de l’ article: Al pareissen de las flors, au paraissant des fleurs.

Tome sixième, Grammaire comparée. Chapitre II. Substantifs.

Tome sixième, Grammaire comparée. Chapitre II. Substantifs.

Raynouard, choix, poésies, troubadours, kindle

Chapitre
II.

Substantifs.

Je
me propose d’ indiquer les identités de plusieurs substantifs des
diverses langues de l’ Europe latine avec ceux de la langue romane.

A
cet effet, je rapprocherai d’ abord des substantifs féminins
terminés en A bref ou muet, et ensuite je comparerai des substantifs
qui ont d’ autres désinences, et dont le plus grand nombre est
masculin.

Substantifs
en A bref ou muet.

Cette
désinence, qui caractérisait un grand nombre de substantifs
féminins de la langue latine, resta dans l’ idiome roman; et même
il conserva, sans changement et sans aucune altération, un grand
nombre de mots, tels que Alba, Aurora, Carta, Porta, Secta, Testa,
etc..

Assez
souvent cette désinence en A fut appliquée à des substantifs qui,
tirés ou conservés d’ un autre idiome que le latin, reçurent la
forme finale qui caractérisait presque tous les substantifs féminins
de la langue romane; ainsi elle dit: cortesia, guisa, flecha, jarra,
sala, etc.

Et
quelquefois des substantifs dont la racine paraît appartenir au grec
ou au latin, perdirent leur désinence primitive et reçurent
spécialement des désinences adoptées par la langue romane; je
citerai entre autres: altezza, cappa, cima, esperansa, rogna, pausa,
verdura. (1: En rassemblant un grand nombre des mots identiques qui
ont, dans les diverses langues de l’ Europe latine, cette désinence
en A, caractéristique d’ un si grand nombre de substantifs féminins
romans, je n’ entrerai dans aucun détail sur les différentes formes
désinentes auxquelles s’ attache cet A, telles que, ezza, ida, ura,
etc., etc., formes que la langue romane a souvent appliquées à des
mots qui en avaient d’ autres, soit dans le latin, soit dans les
idiomes d’ où elle les tirait.)

La
langue des troubadours, et les autres idiomes de l’ Europe latine,
ont beaucoup de substantifs, tels que, camisia, lista, barreira,
batalha, etc.., employés dans la langue latine du moyen âge, soit
qu’ ils y fussent déja

passés
de la langue romane, soit que, latinisés par les nations dans la
langue desquelles on les retrouve antérieurement, ils eussent été
adoptés par la langue romane.

On
ne sera pas surpris de voir Aube à côté d’ Alba, si l’ on se
souvient que l’ L des mots romans s’ est changée en U (2) dans les
mots français, ni Fée à côté de Fada, puisque j’ ai prouvé que
le D intérieur des mots romans a été souvent supprimé dans les
mots français, et que É, E ont remplacé l’ A pénultième et l’ A
final romans, etc. etc.
(2) Voici un exemple où l’ L d’ Albe est
conservé.


E
cume l’ Albe s’ escreva.”

Trad.
du Ier livre des Rois, fol. 12.

Exemples
de substantifs féminins, en A bref ou muet, qui se trouvent dans la
langue romane et dans les autres langues de l’ Europe latine.

Roman.
Français. Espagnol. Portugais. Italien.

Alb
Alba Aube Alba Alva Alba

Omb
Tomba Tombe Tomba Tomba Tomba

Arb
Barba Barbe Barba Barba Barba

Erb
Herba Herbe Yerba (hierba) Herva Erba

Ac
Taca Tache Taca (mancha) Tacha Taca

Ec
Hipoteca Hypothèque Hipoteca Hypotheca Ipoteca

Ic
Arimetica Arithmétique Aritmética Aritmetica Aritmetica

Fabrica Fabrique
Fábrica Fábrica Fabrica

Anc
Anca Hanche Anca Anca Anca

Banca
Banque Banca Banca Banca

Onc
Conca Conque Concha Concha Conca

Oc
Boca Bouche Boca Boca Bocca

Arc
Barca Barque Barca Barca Barca

Marca
Marche Marca Marca Marca

Osc
Mosca Mouche Mosca Mosca Mosca

Ad
Estrada Estrade Estrada Estrada Strada

Fada
Fée Hada Fada Fada

Pebrada
Poivrade Pebrada Piverada Peverada

Gelada
Gelée Helada Geada Gelata

Entrada
Entrée Entrada Entrada Entrata

Ed
Moneda Monnoie Moneda Moeda Moneta

Seda Soie
Seda Seda Seta

Id
Partida Partie Partida Partida Partita

And
Demanda Demande Demanda Demanda Domanda

End
Tenda Tente Tienda Tenda Tenda

Ond
Fonda Fronde Honda Funda Fronda

Od
Roda Roue Rueda Roda Ruota

Ard
Austarda Outarde Betarda (*) Abetarda Aoutarda

(*:
avutarda, ave + tarda; aus + tarda en romance)
Garda Garde
Guardia Guarda Guardia

Ord
Corda Corde Cuerda Corda Corda

Ud
Muda Mue Muda Muda Muda

Of
Cofa Coiffe Cofia Coifa Coffia

Ag
Paga Paye Paga Paga Paga

Plaga
Playe Llaga Chaga Piaga

Ig
Fatiga Fatigue Fatiga Fadiga Fatica

Og
Sinagoga Synagogue Sinagoga Synagoga Sinagoga

Ech
Flecha Flèche Flecha Frecha Freccia

Alh
Batalha Bataille Batalla Batalha Battaglia

Malha
Maille Malla Malha Maglia

Toalha
Touaille Toalla Toalha Tovaglia

Elh
Aurelha Oreille Oreja Orelha Orècchia

Ilh
Meravilha Merveille Maravilla Maravilha Maraviglia

Olh
Folha Feuille Foja (hoja) Folha Foglia

Ulh
Gulha Aiguille Aguja Agulha Guglia

Anh
Castanha Châtaigne Castaña Castanha Castagna

Onh
Ronha Rogne Roña Ronha Rogna

Aci
Gracia Grace Gracia Graça Grazia

Adi
Abadia Abbaye Abadía Abbadia Abbadia

Edi
Comedia Comédie Comedia Comedia Commedia

Nhi
Companhia Compagnie Compañía Companhia Compagnia

Ni
Vilania Vilenie Villanía Villania Villania

Eri
Caballeria Chevalerie Caballería Cavalleria Cavalleria

Ori
Senhoria Seigneurie Señoría Senhoria Signoria

Asi
Fantasia Fantaisie Fantasía Fantasia Fantasia

Esi
Cortesia Courtoisie Cortesía Cortezia Cortesia

Isi
Ipocrisia Hypocrisie Hipocresía Hypocrisia Ipocrisia

Osi
Gelosia Jalousie Celosía Gelosia Gelosia

Esti
Bestia Beste Bestia Besta Bestia

Onj
Lisonja Losange (1) Lisonja Lisonja Lusinga

(1)
Ancien mot français, signifiant à-la-fois, tromperie, flatterie.

Arj
Tarja Targe Tarja Tarja Targa

Charja
Charge Carga Carga Carica

Al
Sala Salle Sala Sala Sala

El
Tela Toile Tela Tela Tela

Il
Fila File Fila Fila Fila

Ell
Capella Chapelle Capilla Capella Capella

Ol
Viola Viole Viola Viola Viola

Isl
Isla Isle Isla Ilha Isola

Ul
Mula Mule Mula Mula Mula

Am
Flama Flamme Llama Flamma Fiamma

Im
Cima Cime Cima Cima Cima

Rima
Rime Rima Rima Rima

Lm
Alma Alme (1) Alma Alma Alma

Om
Goma Gomme Goma Goma Gomma

Arm
Arma Arme Arma Arma Arma

Orm
Forma Forme Forma Forma Forma

Um
Pluma Plume Pluma Pluma Piuma

An
Cabana Cabane Cabaña Cabana Capana

Campana
Campane Campana Campainha Campàna

Setmana
Semaine Sedmana (2) Semana Settimana

En
Carantena Quarantaine Cuarentena Quarentena Quarantena

Estrena
Etrenne Estrena Estrea Strena

In
Farina Farine Harina Farinha Farina

Gaina
Gaîne Vaina Bainha Guaina

On
Persona Personne Persona Pessoa Persona

Ern
Lanterna Lanterne Lanterna (*) Lanterna Lanterna
(* linterna)

(1)
L’ ancien français a dit anme, arme et alme, pour ame. (N. E. latín
anima, animae, etc.)

E
pur l’ ALME de li priot.

Marie
de France, t. 1, p. 470.

(2)
Dans l’ espagnol ancien, on trouve sedmana:


Dos
dias en la sedmana.”

Fuero
Juzgo, II 1, 18. (N. E. semana; todas vienen de 7, septem; griego
hepta: hebdómada)

Roman.
Français. Espagnol. Portugais. Italien.

Un
Luna Lune Luna Lua Luna

O
Proa Proue Proa Proa Prua

Ap
Capa Cape Capa Capa Capa

Olp
Colpa Coulpe Culpa Culpa Colpa

Omp
Trompa Trompe Trompa Trompa Tromba

Op
Copa Coupe Copa Copa Copa

Estopa
Étoupe Estopa Estoupa Stoppa

Ar
Cara Chère Cara Cara Cera

Abr
Cabra Chèvre Cabra Cabra Capra

Ibr
Libra Livre Libra Libra Libbra

Mbr
Ombra Ombre Sombra Sombra Ombra

Obr
Obra Oeuvre Obra Obra Opra

Dr
Salamandra Salamandre Salamandra Salamandra Salamandra

Er
Cera Cire Cera Cera Cera

Esphera
Sphère Esfera Esfera Esfera

Ir
Lira Lyre Lira Lyra Lira

Eir
Barreira Barrière Barrera Barreira Barriera

Maneira
Manière Manera Maneira Maniera

Or
Aurora Aurore Aurora Aurora Aurora

Pr
Lepra Lèpre Lepra Lepra Lepra

Arr
Jarra Jarre Jarra Jarra Giara

Err
Guerra Guerre Guerra Guerra Guerra

Ur
Aventura Aventure Aventura Ventura Aventura

Verdura
Verdure Verdura Verdura Verdura

Cosdura
Coûture Costura Costura Cosidura

Armadura
Armure Armadura Armadura Armadura

As
Casa Case Casa Casa Casa

Mis
Camisa Chemise Camisa Camisa Camisa

Uis
Guisa Guise Guisa Guisa Guisa

Ans
Lansa Lance Lanza Lança Lancia

Balansa
Balance Balanza Balança Bilancia

Esperansa
Espérance Esperanza Esperança Speranza

Ensa
Benevolensa Bienveillance Benevolencia (1) Benevolencia Benevolenza

Os
Prosa Prose Prosa Prosa Prosa

Ors
Forsa Force Fuerza Força Forza

Ass
Massa Masse Masa Massa Massa

Ess
Duquessa Duchesse Duquesa Duqueza Duchessa

Pessa
Pièce Pieza Peça Pezza

Us
Musa Muse Musa Musa Musa

Aus
Pausa Pause Pausa Pausa Pausa

At
Sabata Savate Zapata (zapato) Sapata Ciabatta

Ect
Secta Secte Secta Seita Secta

Et
Planeta Planète Planeta Planeta Pianeta

It
Caramita Calamite Calamita Calamita Calamita

Olt
Volta Volte Vuelta Volta Volta

Ant
Planta Plante Planta Planta Planta

Ot
Nota Note Nota Nota Nota

Rota
Déroute Rota (derrota) Rota Rota

Art
Carta Charte Carta Carta Carta

Ort
Porta Porte Porta Porta Porta

Ast
Asta Haste Asta Hasta Asta

Est
Testa Teste (: tête) Testa Testa Testa

Ista
Lista Liste Lista Lista Lista

Vista
Viste Vista Vista Vista

Ost
Resposta Riposte Respuesta Resposta Risposta

Ut
Disputa Dispute Disputa Disputa Disputa

Egu
Tregua (*) Treve Tregua Tregoa Tregua

(*
N. E Se encuentra también treuga y entreugar.)

Aigu
Aigua (*) Aigue (2) Agua Agua Agua (aqua)

(*:
N. E. También aiga: “Si com li peis an en l’ aiga lor vida,”)

(1)
Je rappellerai ici, ce que j’ ai dit ailleurs, que l’ ancien espagnol
employait pour les mêmes substantifs la terminaison ansa ou ancia,
ensa ou encia, etc.

(2)
De s’ aigue doint abeuver cele
Qui enfanta virge pucele.

Fabl.
et Cont. anc. t. 1, p. 344.


Lac
d’ aigue douce.” Villehardouin, p. 132.
(N. E. francés actual
eau)

Roman.
Français. Espagnol. Portugais. Italien.

Engu
Lengua Langue Lengua Lingua Lingua

Av
Fava Fève Haba Fava Fava

Octava
Octave Octava Outava Ottava

Ov
Prova Preuve Prueba Prova Prova

Ez
Alteza Altesse Alteza Alteza Altezza

Fineza
Finesse Fineza Fineza Finezza

Largueza
Largesse Largueza Largueza Larghezza

Proeza
Prouesse Proeza Proeza Prodezza

Richeza
Richesse Riqueza Riqueza Ricchezza

Anz
Tarzanza Tardance Tardanza Tardança Tardanza

Enz
Descaienza Décadence Decadencia Decadencia Decadenza

Une
analogie aussi constante entre les principaux substantifs des
diverses langues de l’ Europe latine, une série aussi nombreuse d’
identités remarquables dans la racine et la terminaison des mots
conservés ou modifiés de la langue latine, et surtout d’ un grand
nombre de mots tirés de plusieurs autres idiomes, et dont la
modification et la désinence sont identiques, voilà sans doute un
phénomène grammatical très remarquable. Il suffirait à prouver
non seulement une communauté d’ origine, mais encore l’ existence d’
un type commun intermédiaire, qui a modifié soit la langue latine,
soit d’ autres idiomes par des opérations dont on reconnaît encore
l’ empreinte caractéristique et la parfaite unité.

On
obtiendra de semblables résultats, en comparant les autres
substantifs.

Divers
autres substantifs féminins romans, et le plus grand nombre des
substantifs masculins, sont terminés en consonnes.

Quelques-uns
ont conservé la désinence du nominatif ou de l’ accusatif de la
langue latine, tels que, animal, mar, etc., etc.

Plusieurs
autres ont été formés par la suppression de la désinence qui
caractérisait l’ accusatif latin, tels que, partem, dentem, florem,
pontem, etc.., etc..

D’
autres, enfin, ont été formés par analogie, ou empruntés à d’
autres idiomes avec des modifications plus ou moins remarquables.

Substantifs
en AGE.

Il
est vraisemblable que la langue romane forma cette désinence, en
modifiant les substantifs latins en AGIUM, en AGO. Elle fut souvent
attachée à des substantifs qui n’ étaient pas dérivés du latin,
ou qui avaient en latin une terminaison différente, tels que les
suivants:

Roman:
Corage, lenguage, linhage, message, omenage, viage, etc.
(1: La
langue romane disait également AGE et ATGE dans les mêmes
substantifs, qui étaient très nombreux avec cette terminaison.)

Français:
Courage, langage, lignage, message, hommage, voyage, etc. (2: La
classe des substantifs en AGE est une des plus nombreuses de la
langue française.)

Espagnol:
Corage (coraje), lengage (lenguaje), linage (linaje), mensage
(mensaje), omenage (homenaje), viage (viaje).

Portugais:
Coragem, lenguagem, linhagem, mensagem, homenagem, viagem.

C’
est par une euphonie particulière que la langue portugaise ajoute un
M final aux mots romans en AGE; mais dans les écrivains portugais
anciens, et dans les classiques, on trouve de nombreux exemples de la
terminaison commune en AGE ou AJE:


Que
fora paje do conde d’ Abrantes.” J. de Barros, Dec. II, I, 3.


Eu
nam sei en este reyno jugada, portage, dizima, etc.»

J.
de Barros, Dec. I, III, 12.


Filho
d’ un pobre salvaje.” Palmeirim de Inglaterra, t. I, p. 112.


Quem
he aquelle que faz tanta vantage.”

J.
de Barros, Dec. II, III, 6.


Qu’
em sua viage arrecadavan.” Palmeirim de Inglaterra, t. 1, p. 94.

Italien:

Il
est évident que l’ euphonie italienne a changé en AGGIO, la
désinence romane AGE:

Corraggio,
lenguaggio, lignaggio, messaggio, omaggio, viaggio, etc., etc.

Cependant
IMAGE se dit en poésie:

Dalla
mente profonda, che lui volve,

Prende
l’ IMAGE e fassene suggello.

Dante,
Paradiso, II, v. 131.

Des
patois de la haute Italie ont conservé la désinence romane AGE.

Substantifs
en AL.

Roman.
Français. Espagnol. Portugais. Italien.

Animal
Animal Animal Animal Animal

Cardinal
Cardinal Cardinal Cardeal Cardinal

Cristal
Cristal Cristal Cristal Cristal

Mal
Mal Mal Mal Mal

Metal
Métal Metal Metal Metal

Quintal
Quintal Quintal Quintal Quintal

Sal
Sel Sal Sal Sal

Senescal
Sénéchal Senescal Senecal Senescal

Senhal
Signal Señal Sinal Signal

Val
Val Val Val Val

Les
substantifs italiens en AL peuvent, ainsi que je l’ ai expliqué,
prendre ou quitter la lettre euphonique E ou O; mais les patois de la
haute Italie ne la prennent pas.

Substantifs
en AN.

Roman:
Afan, man, pan, etc.

Français:
Ahan, main, pain, etc.

Espagnol:
Afan (afán), man (mano), pan.

Aujourd’hui
la langue espagnole ajoute plus souvent l’ O final euphonique aux
substantifs en AN; elle en avait autrefois davantage avec la
terminaison purement romane.

Quiero
fer una prosa en ROMAN paladino.

Vid.
de S. Dom. Cob. 2.

On
trouve Escriban dans le Fuero Juzgo.

Elle
conserve encore (N. E. añado tildes) capellán, capitán, refrán,
sacristán, etc.

Portugais:

Autrefois
en changeant l’ N final en M, on disait:

Affam,
mam, pam, etc. etc.


E
ajao por seu afam en cada un anno.”

Testam.
del Rey Joam I. (1)


Ao
quai escriveo huma carta de sua propria mam.”

J.
de Barros, Dec. I, II, 2.


Pam
meado, pam terceado, pam quartiado.”

Elucidario,
v°, Pam.

Obedecer
a seu capitam.

J.
de Barros, II, VIII, 4.

Era
ido o capitam d’ ella.

J.
de Barros, Dec. III, I, 5.

Nosso
Escripvam.

Liv.
Vermelho, do Sr Rey D. Affonso.

O
dito provedor e escrivam.

Test.
del rey D. Joam, I. Dec. 1426.


Il
y a même des exemples anciens de la terminaison purement romane:

Quanta
coita e quant affan…

Membre
vos quant affan levei.

Canc.
MS. Do coll. dos nobres, fol. 75 et 86.

(1)
Cron. del rey Joam, 3a part, p. 303.

Italien:

Quoiqu’
il ajoute ordinairement l’ E ou l’ O à la terminaison en AN, on la
trouve encore souvent dans les auteurs.

Affan,
man, pan, pian, etc.

Les
patois de l’ Italie septentrionale rejettent la voyelle finale, et
disent AN.

Substantifs
en AR.

Roman.
Français. Espagnol. Portugais. Italien.

Mar
Mer Mar Mar Mar

Altar
Alter (1) Altar Altar Altar

Colar
Colier Collar Colar Colar

Escolar
Escolier Escolar Escolar Escolar

Par
Paire Par Par Par

(1)
La
langue italienne permettant de se passer de la voyelle finale dans
les mots terminés en AR roman, on rencontre souvent en prose et en
vers cette dernière désinence.

L’
ancien français avait d’ abord traduit l’ altar roman par Alter:


Et
io enterrai al Alter.” Trad. des Ps., MS. de la Bibl. du Roi, n°
I.


Et
introibo ad altare.” Ps. 42: Judica me.


Lores
emposerunt sur tuen Alter tors.”

Trad.
des Ps. MS. de la Bibl. du Roi, n° I.


Tunc
imponent super altare tuum vitulos.”

Ps.
50, Miserere mei.

Les
patois de la haute Italie rejettent constamment cette voyelle finale.

Substantifs
en ART.

Roman:
Art, part, quart, rampart, etc.

Français:
Art, part, quart, rempart, etc.

L’
espagnol et le portugais ont depuis long-temps adopté la voyelle
finale euphonique dans les mots en ART; mais il existe la preuve qu’
autrefois la langue espagnole disait ART, PART.


Sin
ART é sin enganno.” Fuero de Molina. (1: Llorente not. de las
prov. vascongadas t. IV, p. 125.)


Prendan
de cada part quatre parientes.” Fuero de Molina.
(2: Ib. p.
131.)

A
vos tant dinno que con él avedes PART,

Mandad
nos los ferir de qual part vos semeiar.

Poema
del Cid, v. 2373, 4.

Que
la avrien aina al otra PART passada.

Milag.
de N. Sra, cobl. 590.

De
suenno de PART mala non seamos tentados.

Trad.
del Conditor alme. (3: Coll. de poes. cast., t. II, p. 464.)


L’
Italien, qui, après le T pénultième, ne quitte jamais la lettre
euphonique, a cependant conservé dans plusieurs de ses patois la
désinence primitive.

Substantifs
féminins en AT.

Roman:

Antiquitat,
auctoritat, beltat, bontat, ciutat, clardat, crudeltat, dignitat,
falsedat, impietat, libertat, majestat, trinitat, vanitat, veritat,
voluntat, etc. etc.

Français:

J’
ai établi précédemment que l’ ancien français modifiait très
souvent en ET la désinence romane AT; il est certain que, dans les
temps anciens, il disait: Antiquitet, autoritet, etc.

Voici
de nouvelles preuves de fait que je crois nécessaire d’ ajouter à
celles que j’ ai déja fournies.


E
cuveiterat li reis la tue bealtet.” Trad. du ps. 44, ms, n° I.


Kar
li nostre sire dunrat benignitet.” Trad. du ps. 84, psaut. de
Corbie.


En
la buntet de tes esliz.” Trad. du ps. 105, psaut. de Corbie.


En
chaitivetet.” Trad. du ps. 34, MS. n° I.


Jete
sur le Seigneur ta charitet.” Trad. du ps. 54, MS. n° I.


En
la citet del Seignur.” Trad. du ps. 100, psaut. de Corbie.


Et
prist la tur de Syon, ço est la cited David… Curud en la cited…

Celui qui primes en la cited enterreit.”

Trad.
du IIe liv. des Rois, fol. 46.


Tu,
devencue de mort la crueltet, aovris as creanz les regnes des ciels.”

Trad.
du Te deum, MS. de la bib. Cotton.


En
lit de enfermetet.” Trad. du ps. 40, MS. n° I.


Freit
e estet.” Trad. du Benedicite omnia, psaut. de Corbie.


De
la forceinetet de terre.” Trad. du ps. 134, psaut. de Corbie.

La
verge de la tue hereditet. Trad. du ps. 73, psaut. de Corbie.

La
humilitet de sa ancelle. Trad. du Magnificat, MS. de la bib. Cotton.


Par
humilited.” Trad. du IIe liv. des Rois, fol. 48.


De
lur impietet.” Trad. du ps.. 72, psaut. de Corbie.


Les
fiz de iniquited.” Trad. du IIe livre des Rois, fol. 48.


Jo
vi l’ iniquitet.” Trad. du ps. 54, MS. n° I.


E
tes fiz ne tiennent pas tes veies ne ta lealted.”

Trad.
du Ier liv. des Rois, fol. 9.


Pere
de grant majestet.” Trad. du Te deum, bibl. Cotton.


Et
parlerent malvaistiet.” Trad. du ps. 72, psaut. de Corbie.


Jo
dis en la meinetet des miens jurz.”

Trad.
de l’ Ego dixi in medio, psaut. de Corbie.


Fruit
de nativitet.” Trad. du ps. 106, psaut. de Corbie.


De
lur necessitet delivrat els.” Trad. du ps. 106, psaut. de Corbie.


En
parmanabletet e ultre.”

Trad.
du ps. Cantemus domino, psaut. de Corbie.


En
la poestet de la nuit.” Trad. du ps. 135, psaut. de Corbie.


Enveiat
sacietet es anmes d’ els.” Trad. du ps. 105, psaut. de Corbie.


Nen
est santet en ma charn.” Trad. du ps. 37, MS. n° I.


A
la memorie de sa seinteed.” Trad. du ps. 29, MS. n° I.


Sulunc
la meie semplicitet.” Trad. du ps. 7, MS. n° I.


En
miliu de la sollempnitet.” Trad. du ps. 73 psaut. de Corbie.


A
la suvereinetet de Lui.” Trad. du ps. 18, MS. n° I.


La
boche desquels parlat vanitet.” Trad. du ps. 143, psaut. de Corbie.


Anuncerai
la tue veritet en la meie buche.”

Trad.
du ps. 88, psaut. de Corbie.

Deus
mustrad sa volented à Mathan. Trad. du IIe Liv. des Rois, fol. 48.

En
la tue volentet. Trad du ps. 29, MS. n° I.

J’
ai cru indispensable d’ insister sur la preuve de l’ existence
antique des substantifs français en ET, (1) parce que cette forme
grammaticale ne se retrouve plus dans des monuments assez anciens; et
que, reproduite dans les participes passés des verbes en ER, elle
démontre, d’ une

manière
incontestable, que l’ É fermé actuel, qui désigne l’ absence du T
final, correspond à l’ AT roman dans les mots suivants:

Antiquité,
autorité, beauté, bonté, cité, clarté, cruauté, dignité,
fausseté, impiété, liberté, majesté, trinité, vanité, vérité,
volonté, etc.

(1)
Quelques manuscrits anciens emploient EIT au lieu d’ ET:


Qui
me donrat que si halte Majesteit dignet rezoyvre mon offrande?”

Sermons
de S. Bernard, fol. 105.


Benoiz
soit deus ki par sa très grant chariteit dont il nous amat nous

transmit
son chier fil.” Sermons de S. Bernard, fol. 59, v°.


Li
trabuchement de lor citeit.” Sermons de S. Bernard, fol. 25.


Li
hom de plus grant simpliciteit.”

Trad.
des Dial. de S. Grégoire, liv. III, c. 25.


Par
ke tu me doives delivreir de ceste enfermeteit.”

Trad.
des Dial. de S. Grégoire, liv. III, c. 25.


Lo
merite de la qualiteit del cors.”

Trad.
des Dial. de S. Grégoire, liv. I, c. 5.

Espagnol:

La
langue espagnole, plaçant le D pour le T, a conservé la désinence
romane:

Antigüedad,
autoridad, beldad, bondad, ciudad, claridad, crueldad, dignidad,
falsedad, impiedad, libertad, majestad, trinidad, vanidad, verdad,
volundad (voluntad), etc.

On
trouve, dans les anciens auteurs espagnols, la finale en AT.

Dans
le titre Ier du Fuero Juzgo, on lit:

Dignitat,
voluntat, trinitat, crueltat, pietat, etc.

Esta
faz á la luna la claridat perder.

P.
d’ Alexandro, cob. 1311.

Dans
les Fueros de Molina, du XIIe et du XIIIe siècle, plusieurs
substantifs conservent la désinence AT.


Que
la hayan ellos en heredat… Vendan su casa e su heredat… En
voluntat del querelloso… De edat de diez e seis annos.”

Llorente,
not. de las prov. vascongadas, t. IV, p. 126.

Portugais:

Quoique
la langue portugaise ajoute généralement un E à la désinence
romane AD ou AT, il n’ est pas sans exemple que cette désinence
primitive ait été conservée.

E
se vus eu verdad non disser.

Cancioneiro,
MS. do coll. dos nobres, fol. 63.


Tu
julgas isto ao reves da voluntad.”

Palmeirim
de Inglaterra, t. I, p. 61.

Mais
a verdad vus quer eu dixer.

Cancioneiro,
MS. do coll. dos nobres, fol. 42.

Italien:

De
cette finale AT, la langue italienne fit À. Cet accent grave, qui
oblige d’ appuyer sur l’ À, indique et prouve une suppression. Le
pluriel et le singulier se terminent également en À.

Souvent
la langue italienne rétablit le T final, et alors elle y ajoute l’ E
euphonique; mais les patois de la haute Italie le rejettent.

Substantifs
masculins en AT.

Roman:
Abat, magistrat, ducat, avocat, estat, evescat, grat, senat, peccat,
comtat, comjat, etc.

Français:
Quelques substantifs ont conservé la terminaison en AT:

Sénat,
magistrat, ducat, avocat, état.

D’
autres ont suivi la règle générale du changement en ET, et par
suite en É: Abbé, évêché, gré, péché, congé, comté, péché.


Espagnol:

Abad
est resté dans la langue espagnole, les autres mots ont pris l’ o
final.

Potestat,
dans le sens de magistrat, a été jadis employé.


Si
algun rey ó conde ó potestat ó otro home qualquier.”

Fuero
de Molina. (1: Llorente, not. de las prov. vasc. t. IV.)

Le
portugais et l’ Italien ont aussi ajouté la voyelle finale
euphonique, mais les divers patois de la haute Italie l’ ont rejetée.

Substantifs
en EL.

Roman:
Anhel, annel, auzel, cairel, camel, capel, castel, fardel, mantel,
martel, pel, ramel, scel, vassel, etc.

Français:

L’
ancien français employait cette terminaison dans un grand nombre de
substantifs qui depuis l’ ont changée en EAU.

Ce
dist dou leu e dou aignel

Qui
beveient à un rossel.

Marie
de France, t. 2, p. 64.


Une
lampe de voirre qui devant son tombel ardoit.”

Chron.
de France. (1: Rec. des Hist. de Fr. t. III, p. 209.)


Le
cors du saint homme trouverent tout entier en char et en pel.”

Chron.
de France. (2: Ib. t. V, p. 311.)


Le
royaume des Assyriens fut le flael que dieu apareilla pour amatir son
peuple d’ Israel.”

Œuvres
d’ Alain Chartier, pag. 295.

Sans
produire d’ autres exemples, qu’ il me suffise de citer, par ordre
alphabétique, quelques-uns des substantifs qui, autrefois en EL,
sont aujourd’hui terminés en EAU, tels que:

Annel,
batel, bercel, boissel, camel, capel, cervel, chalumel, chantel,
chapitel, chastel, cisel, cotel, drapel, escabel, faiscel, fardel,
flambel, fornel, fusel, lioncel, mantel, martel, nivel, oisel, ormel,
panel, pourcel, renouvel, scel, tonnel, tropel, trossel, vaissel,
etc.

Par
exception à cette règle générale, chevel changea seulement l’ L
en U.

Sur
les chevels de mon chief.

Trad.
du ps. 68. psaut. de Corbie.

Espagnol:

La
langue espagnole a changé souvent en ILLO la terminaison en EL, et a
cependant conservé divers substantifs avec l’ ancienne désinence,
tels que: Angel, batel, doncel, castel, chapitel, fardel, lintel,
mantel, pincel, quartel, tonel, tropel, etc.

Mais
elle en a perdu quelques-uns, comme ANNEL pour ANHEL roman:

Assado
lo comiessen, non cocho lo annel.
(N. E. agnus = cordero; asado lo
comiesen, no cocido LO : el cordero.)

Sacr.
de la Misa, cob. 149.

Portugais:

Il
est à remarquer que la langue portugaise qui a pris assez souvent l’
O final après la terminaison EL, l’ a cependant gardée dans
plusieurs substantifs. Ainsi: Annel, bedel, burel, capitel, cartel,
donzel, fardel, nivel, pincel, quartel, tropel, vel.

Italien:

La
langue italienne, pouvant, après les mots terminés en EL, prendre
ou rejeter l’ O ou l’ E euphonique, dit:

Agnel,
angel, annel, capel, castel, donzel, gel, mel, vel.

Les
patois de la haute Italie rejettent la voyelle euphonique après EL.

Substantifs
en EN.

Roman:
Ben, desden, fren, palafren, ren, sen, terren.

Français:
La langue française a conservé ces mots avec les modifications
analogues, excepté dans palefroi, mais le mot primitif roman est
resté dans palefrenier.

Bien,
desdain, frein, rien, sen, terrein.

E
tolt au sage neis le sen. Roman de la Rose, v. 8027.

Espagnol:
Bien, desdén, palafrén, sen.

De
la cobdicia e del mal SEN. (N. E. Sentido, juicio)

Fuero
juzgo XII, III, 24.

Portugais:

Par
le changement de l’ N final en M.

Bem,
desdem, palafrem.

On
trouve même dans les anciens auteurs l’ N final.

E
mia sennor e meu lum e meu BEN…

Por
que trac amor tan en DESDEN…

Ca
me fazedes ja perder o SEN.

Cancioneiro
MS. do Collegio dos Nobres, fol. 61.

Italien:

L’
N final pouvant admettre ou rejeter l’ E ou l’ O euphonique, on
trouve:

Ben,
fren, palafren, terren, etc.

Substantifs
en ENT.

Le
roman et le français ont cette désinence primitive qu’ on retrouve
encore dans l’ ancien espagnol.

Roman:
Accent, argent, dent, escient, gent, occident, orient, parent,
present, vent, etc.

Français:
Accent, argent, dent, escient, gent, occident, orient, parent,
présent, vent, etc.

Espagnol:
Argent (plata), gent, occident, orient, parent, present.

Non
avemos dinero nin oro nin argent.

Vida
de S. Domingo Cob. 364.

Era
GENT mui fiera.

Poema
de Alexandro, cob. 1780.

Movio
de occident por mueda del peccado.

Vid.
de S. Millán. cob. 387.

De
parte de orient vino un coronado.

Poema
del Cid, v. 1296.


Qui
perderie padre o madre o parient.”

Fuero
de Molina. (1: Llorente, not. de las prov. vasc. t. IV, p. 148.)

Adusso
la gloriosa un present mui onrrado.

Mil.
de N. Sra, cob. 58.

Portugais,
Italien:

Le
portugais et l’ Italien ont constamment employé l’ O ou l’ E final
dans les mots que la langue romane termine en ENT, mais les patois de
la haute Italie ont conservé cette désinence primitive.

Substantifs
en MENT.

Roman:

Aliment,
argument, bastiment, canbiament, comensament, consentiment, clement,
enseignament, fragment, forment, instrument, mandament, monument,
piment, sacrament, testament, vestiment, etc. etc. (N. E. Muchas
palabras del romance acabadas en ment, y en t, pierden desde muy
antiguo la t. Si así se ve en la forma escrita, supongo que ya no se
pronunciaba en muchos lugares. En los tomos anteriores encuentro,
sólo de la lista anterior: bastimen, comensamen, enseignamen, formen
– no el cereal, sino fuertemente, fortment -, mandamen, monumen,
pimen, sagramen, vestimen. Diferentes a la lista: planamen, eissamen,
ardimen, guayamen, finamen, talamen, loiaumen, etc.)

Français:
Aliment, argument, bâtiment, changement, commencement, consentement,
élément, enseignement, fragment, froment, instrument, mandement,
monument, piment, sacrement, testament, vêtement, etc. etc.

Espagnol:

Quoique
aujourd’hui la langue espagnole ajoute l’ O à la désinence des
substantifs en MENT, elle a jadis employé cette désinence, et on en
trouve des exemples nombreux:

Non
lo saben los Moros el ardiment que han.

Poema
del Cid, v. 555.

Querria
vos contar un buon aveniment.

Mil.
de N. Sra, cob. I.

Non
traien en su pleito ningun escarniment.

Mil.
de N. Sra, cob. 699.

Nin
estrument nin lengua nin tan claro vocero.

Mil.
de N. Sra, cob. 9.

Andaban
las redomas con el vino piment.

Mil.
de N. Sra, cob. 699.

Per
lo que avedes fecho buen cosiment y avrá.

Poema
del Cid, v. 1444.

I
nacio sant Millan esto sin falliment.

Vid.
de S. Millán. cob. 3.

Portugais:

La
langue portugaise ajoute la voyelle euphonique à la désinence MENT.

Italien:

Après
le T, la langue italienne n’ abandonne jamais la voyelle euphonique,
mais les patois de la haute Italie la rejettent.

Substantifs
en ER, IER.

Roman:
Cavalier, corrier, destrier, dever, mestier, pensier, plazer, poder,
saber, esparvier.

Français:
Cavalier, courrier, destrier, devoir, métier, penser, plaisir, poer,
savoir, épervier.

Espagnol:
Deber, mercader, menester, placer, poder, saber.
(N. E. El
cernícalo es el esparvier.)

Portugais:

Dever,
prazer, poder, saber.

Italien:

L’
Italien pouvant, après l’ R, prendre ou rejeter la voyelle
euphonique, on trouve dans les auteurs,

Piacer,
messer, ver, destrier, mestier, cavalier, lancier, pensier, sparvier,
etc.

Les
patois de la haute Italie rejettent l’ O et l’ E, après les noms en
IER et en ER.

Substantifs
en ES.

Roman:
Arnes, marques, mes.

Français:
Harnois, marquis, mois.

Espagnol:
Arnés, marqués, mes.

Portugais:
Arnez, marquez, mes.

Italien:

La
langue italienne ne rejette jamais l’ O ou l’ E final après l’ S ou
le Z, mais les patois de la haute Italie disent toujours:

Arnes,
marques, mes, etc.

Substantifs
en IL.

Roman:
Abril, fil, stil, sobrecill.

Français:
Avril, fil, stil, sourcil.


Suivant
le stil accoutumé.”

Ord.
des R. de Fr., t. 15, p. 137. (1461.)

A
Ménandre en beau stil de grave comédie.

Anc.
Trad. d’ Horace, liv. 2, p. 322.

Espagnol:
Abril. (N. E. filo : hilo; estilo)

Portugais:
Abril.

Italien:

La
langue italienne, pouvant admettre ou rejeter la voyelle euphonique
après l’ L, dit: Abril, stil.

Ne
lo stil minore.

Barberini,
Doc. d’ am., p. 222.

Cantarà
in stil leggiero.

Mani,
Illustr. di Boc. son. p. 50.

Les
patois de la haute Italie rejettent la voyelle après IL.

Substantifs
en IN.

Roman:
Delfin (Dalfi, Dalfins), fin, festin, florin, jardin, jasmin, latin,
mastin, paladin, etc.

Français:
Dauphin, fin, festin, florin, jardin, jasmin, latin, mastin, paladin.

Espagnol:
Delfín, fin, festín, florín, jardín, jazmín, latín, mastín,
paladín.
(N. E. Raynouard escribe estas palabras sin tilde en la
í, tal como se solían escribir, o como él las encuentra en los
documentos que usa.)

Portugais:

La
langue portugaise changeant l’ N en M, a dit:

Delfim,
fim, festim, florim, jardim, jasmim, latim, mastim, paladim.

Italien:

On
trouve en Italien très souvent les mots en IN sans l’ E ou l’ O
euphonique, parce que les mots terminés en IN peuvent l’ admettre ou
le rejeter. Mais les patois de la haute Italie n’ adoptent jamais l’
O ni l’ E euphoniques après les mots terminés en IN.

Substantifs
en IT.

Roman:
Dit, escrit, habit, marit.

Français:
Dit, écrit, habit, marit.


Aussi
se trouve il des marits qui ayans espousé des femmes riches.”

Amyot,
tr. de Plutarque Mor., t. 3, p. 7.

Espagnol:

La
langue espagnole a placé la voyelle euphonique après les
substantifs en IT et en ID; mais on trouve dans les anciens auteurs:

Alcaid,
traid, pleyt.


Alcaid
que toviere Zafra…”


Prendades
aquestos cafices en traid.”

Fuero
de Molina. (1:Llorente, not. de las prov. vasc. t. IV, p. 120 et
119.)


Aquel
que ayuda en la lid.”

Fuero
Juzgo, v. III, I.

Fablemos
su vegada del pleit del mercadero.

Mil.
de N. Sra, cob. 681.

Entendió
el santo ome el pleyt.

V.
de S. Millán., cob. 188.

En
est pleyt en que somos serie buen advocado.

Vid.
de S. Millán. cob. 430.


Portugais,
Italien:

Le
portugais et l’ Italien n’ omettent jamais la voyelle euphonique
après IT, ID à la fin des substantifs. Les patois de la haute
Italie ne l’ adoptent pas.

Substantifs
en OL.

Roman:
Aiol, col, dol, rol, sol, titol.

Français:
Aiol, col, dol, sol. (N. E. titol pasa a titre)

Anciennement
on disait en français aiol et dol pour aieul et deuil:


Le
premier Clothaires son aiol.”

Chron.
de France. (1: Recueil des Hist. de Fr., t. 3, p. 272.)


Saul
tun aiol.”

Trad.
du IIe liv. des Rois, fol. 50.

Quant
pot parler, grand dol demene.

Marie
de France, t. I, p. 268.

Ses
guarnemenz de dol e de marement dessirad.

Trad.
du IVe livre des Rois, fol. 149.

Espagnol:

La
langue espagnole, en plaçant l’ O euphonique après abuel, cuell,
duel, (abuelo, ayo, yayo – cuello, duelo) a conservé en OL, rol,
sol, apóstol.

Elle
a dit autrefois Titol, que le Fuero Juzgo répète souvent, soit dans
le texte, soit dans les variantes.

Portugais:

Ayant
supprimé l’ L d’ avol, le Portugais a fait avò, en marquant l’ O d’
un accent qui indique la suppression, et il a conservé: col, sol.

Autrefois
il a dit rool;

Hum
rool de pragamyo.

Doc.
das Salzedas, 1297. (2: Elucidario, t. II, p. 235.)

Italien:

La
voyelle euphonique pouvant être placée ou omise, à volonté, après
l’ L, on trouve dans les anciens auteurs italiens, et à plus forte
raison dans les patois qui ne reçoivent guère la voyelle
euphonique:

Capitol,
diavol, duol, figliuol, miracol, pericol, popol, sol, secol, titol,
etc.

Substantifs
en OLP.

Roman.
Français. Espagnol. Portugais. Italien.

Colp
Colp Golpe Golpe Golpo

L’
ancien français a dit colp, qui, par le changement ordinaire de l’ L
en U, a produit coup:

N’
i ot plus colp feru d’ espée.

Marie
de France, t. I, p. 572.

L’
ancien espagnol a dit aussi golp:

Dio
à Alexandre grant golp en escudo.

Poema
de Alexandro, cob. 161.
(N. E. golpe + en : aféresis : golp’ :
golp)

Et,
si l’ Italien et le portugais ont adopté la voyelle euphonique, les
patois de la haute Italie l’ ont rejetée.

Substantifs
en OM.

Roman:
Hom, nom, pom.

Français:
Hom, nom. (N. E. pomme)


Homs
fu de grant cors et de fort et de grant estature.”

Chron.
de France. (1: Recueil des Hist. de Fr., t. V, p. 266.)


Est
mult prodom.” Villehardouin, p. 16.

Espagnol:

L’
espagnol a dit OMNE et OME, et la terminaison BRE donnée à HOM et à
NOM est si particulière, qu’ on voit évidemment qu’ elle a été
ajoutée à la racine romane.

Portugais:

Le
portugais prend la voyelle euphonique, et dit même OMEM, mais OME
est dans les anciens auteurs.

Italien:

L’
M final adoptant ou rejetant la voyelle euphonique, on trouve très
souvent en Italien des exemples d’ HOM et de NOM:

Vedi
saggio hom per via. Barberini, Doc. d’ am, p. 154.


Mio
padre fù gentil hom.” Boccaccio, Decameron VIII, 9.


Vedi
me uom d’ arme.” Boccaccio, Decameron II, 9.

Ch’
a nom Risalliti. Barberini, Doc. d’ am. p. 76.

Divers
patois de la haute Italie gardent toujours l’ M final en ces mots.

Substantifs
en ON.

Roman:
Baston, canzon, don, falcon, lairon, leon, perdon, esperon, son.

Français:
Baston, chanson, don, faucon, larron, lion, pardon, éperon, son.

Espagnol:
(pongo tildes) Bastón, canción, don, halcón, ladrón, león,
perdón, espolón, son. (Raynouard repite león.)

Portugais:
Bastaō, cançaō,
dom, falcaō, ladraō,
leaō, perdaō,
esporaō, som.

La
terminaison aō (la ō es con
virgulilla)
en portugais équivaut à OM, qui, par le
changement de l’ N en M final, représente ON roman; aussi on trouve:
(N. E. actualmente, coraçaō,
curaçaō, y similares
no se pronuncian con om final, sino con ao. Raynouard escribe antes
de 1820).

E
se o confrade disser: villam… ou ladrom.

Doc.
de Thomar. 1388. (1: Elucidario, t. I, p. 312.)

Italien:

La
voyelle euphonique pouvant être adoptée ou rejetée à la fin des
mots italiens terminés en N, on trouve très souvent, dans les
divers auteurs, des substantifs en ON, tels que Baston, canzon, don,
falcon, ladron, leon, perdon, spron, son.

Les
patois de la haute Italie rejettent la voyelle euphonique après l’ N
final.

Substantifs
en ION.

Roman:
Benediction, campion, creation, devocion, entension, nacion,
predication, question, religion, resurrection, salvation.

Français:
Bénédiction, champion, création, dévotion, intention, nation,
prédication, question, religion, résurrection, salvation.

Espagnol:
Bendición, campeón, creación, devoción, intención, nación,
predicación, cuestión, religión, resurrección, salvación.

Portugais:
Bençaō, campeaō, creaçaō, devoçaō, intençaō, naçaō,
pregaçaō, questaō, religiaō, resurreiçaō, salvaçaō.

Italien:

L’
Italien, par les raisons exposées précédemment, conserve souvent
l’ ON final qui se retrouve toujours dans les patois déja cités.

Substantifs
en OND et ONT.

Roman:
Mond, fond, font, mont, pont.

Français:
Mond ou mont, fond, font, mont, pont.

Il
n’ en ad joie en cest mund.

Marie
de France, t. I, p. 320.

E
c’ est la derverie

Del
mont.

Fabl.
et Contes anc., t. 4, p. 20.


Que
si halte justice devoit bien toz le monz veoir.”

Villehardouin,
p. 127.

Espagnol:

Quoique
la langue espagnole ajoute aujourd’hui l’ O ou l’ E euphonique, on
rencontre des exemples de la désinence primitive:

E
finiò en un poyo que es sobre mont real.

Poema
del Cid, v. 841.

Que
trasquiesson el ninno del mont a los poblados.

Mil.
de N. Sra, cob. 576.

El
COND don Encas.

Poema
de Alexandro, cob. 530.

Portugais:

On
trouve aussi en portugais des vestiges pareils:

Ca
mentr’ eu no mund viver

Non
quer outra sennor fillar.

Cancioneiro,
MS. do coll. dos nobres, fol. 99.

Italien:

Quoique
la langue italienne prenne toujours la voyelle euphonique après le T
final, on retrouve dans les patois déja indiqués la désinence en
OND et en ONT, et ils rejettent toujours cette voyelle.

Substantifs
en OR.

Roman:
Amador, amor, ardor, calor, cobertor, color, defensor, dolor, doctor,
emperador, error, favor, flor, honor, labor, mirador, odor, olor,
rancor, servidor, terror, tutor, etc.

Français:

La
langue française a conservé assez long-temps la terminaison romane
des mots en OR qu’ elle a changés ensuite, les uns en EUR et les
autres en OUR. Des exemples sont nécessaires pour faire connaître à
ce sujet les variations de la langue.

Voici
des exemples de substantifs autrefois en OR et depuis en OUR:


La
bonne amor que nous avons vers les princes.”

Chron.
de France. (1: Recueil des Hist. de Fr., t. III, p. 211.)

L’
amors que Diex m’ a commandée.

Fabl.
et Contes Anc., t. 2, p. 206.

Mais
je vous aim de bone amor.

Fabl.
et Contes anc., t. 4, p. 460.

Elle
revint dedens sa tor.

Marie
de France, t. I, p. 304.

Voici
des exemples de substantifs jadis en OR et aujourd’hui en EUR:


Ja
soit ce que aucun actor aient escrit…”


Maint
actor d’ istoires le metent en dampnacion.”

Chron.
de France. (2: Ibid. p. 266 et 304.)

Mais
se de moi faites clamor.

Fabl.
et Contes anc, t. 3, p. 441.


Sous
la color de pitié.” Gestes de Louis le Débonnaire. (1)


Li
glorieux confessors mesires S. Beneois.”

Chron.
de France. (2)

La
dolors que li amanz sent.

Fabl.
et Contes anc., t. 2, p. 217.

Que
ce fut la flors des barons.

Fabl.
et Contes anc., t. 2, p. 319.

Et
de biauté et de grandor.

Marie
de France, t. 2, p. 113.

Et
fu enterré a grant honor al mostier Sainte Sophie.

Villehardouin,
p. 160.

A
la luor de la fenêtre.

Fabl.
et Contes anc., t. 3, p. 466.


Bien
se conformoit aux mors et à la manière le roi.”

Chron.
de France. (3)


Des
eglises de l’ arceveschié de Lyon et de Vienne qui estoient vagues
et sans pastors.”

Gestes
de Louis le Débonnaire. (4)


Plor
et lamentation.”

Chron.
de France. (5)

(1)
Recueil des Hist. de Fr., t. VI, p. 155.

(2)
Ib. t. III, p. 191.

(3)
Ib. p. 260.

(4)
Ib. t. VI, p. 164.

(5)
Ib. t. V, p. 305.

Onques
n’ amai fors mon segnor.

Fabl.
et Contes anc, t. 4, p. 60.


Dont
la tenors estoit telle.”

Chron.
de France. (1: Recueil des Hist. de Fr., t. III, p. 200.)


De
trop grant cruauté furent li vainqueor.”

Gestes
de Louis le Débonnaire. (2: Ib. t. VI, p. 160.)

Il
est donc évident que l’ ancien français a conservé pendant
long-temps la désinence romane des substantifs en OR.

Espagnol:

La
langue espagnole la conserve encore; et aucun de ses substantifs en
OR, qui sont très nombreux, n’ a jamais admis la voyelle euphonique.

Amador,
amor, ardor, calor, cobertor, color, defensor, dolor, doctor,
emperador, error, favor, flor, honor, labor, mirador, odor, olor,
rancor (rencor), servidor, terror, tutor, etc.

Portugais:

De
même la langue portugaise n’ a jamais pris l’ E euphonique à la fin
des substantifs en OR, qu’ elle a conservés dans leur intégrité
primitive:

Amador,
amor, ardor, calor, cobertor, color, etc.

Italien:

La
langue italienne emploie souvent les substantifs en OR sans y joindre
la voyelle euphonique, que n’ adoptent point les patois de la haute
Italie.

Substantifs
en OT.

Roman:
Escot, mot, sacerdot, trot, vot.

Français:
Escot, mot, sacerdot, trot, vot.


Ce
gran sacerdot et prestre Moses.”

Contes
d’ Eutrapel, fol. 166.


Vot
voat a Deu de Jacob.”

Trad.
du Ps. 131, psaut. de Corbie.


S’
il a eu volonteit de dewerpir son vot et chaingier son proposement.”

Sermon
de S. Bernard, fol. 45. (1: Gloss. sur Joinville, R.)


Affermant
par son serment et soubs le vot de sa religion.”

Ord.
des Rois de France, t. 15, p. 86 (1461).

Espagnol:

Quoique
la langue espagnole n’ emploie plus la désinence OT sans y ajouter
l’ E euphonique, on trouve dans les anciens auteurs des traces de la
désinence romane pure:

Pechado
lo avemos el escot que comiemos.

Mil.
de N. Sra, cob. 392.

(N.
E. pechado : hemos pagado a escote lo que hemos comido)

El
sacerdot legítimo que nunca descamina…

La
hostia que ofrece el sacerdot senero.

Sacrificio
de la misa, cob. 27 et 128.

El
preste benedicto sacerdot derechero.

Vid.
de S. Millán. cob. 106.

El
sacerdot precioso en qui todos fiaban.

Vid.
de S. Domingo, cob. 65.


O
el sacerdot de la tierra é non se quite d’ aquel sacerdot por tal
qu’ el sacerdot testimonie en verdad.”

Fuero
Juzgo, XII, III, 20.

Portugais,
Italien:

Ces
deux langues prennent toujours la voyelle euphonique après les
substantifs en OT; mais les patois de la haute Italie la rejettent.

Substantifs
en RN.

Roman:
Carn, escharn, enfern, ivern, corn, forn, jorn, torn, etc.

Français:
L’ ancien français a conservé pendant quelque temps la désinence
de ces substantifs, qu’ il a ensuite adoucie:


E
beneisset tote carn al seint num de lui.”

Trad.
du ps, 144, psaut. de Corbie.


Nen
est santet en ma charn.”

Trad.
du ps. 37, MS. n° I.


Frunchissement
et escharn a ces ki esteient en nostre avirunement.”

Trad.
du ps. 43, MS. n° I.


Se
io descendrai a enfern, tu i es.”

Trad.
du ps. 138, psaut. de Corbie.


Sire,
tu forsmenas de enfern la meie amne.”
(N. E. fors + menas : fora
+ menar : sacar, “conducir fuera”.)

Trad.
du ps. 29, MS. n° I.


Ested
e ivern tu as fait.”

Trad.
du ps. 73, MS. n° I.


Serat
eshalciet li corns de lui.”

Trad.
du ps. 88, psaut. de Corbie.


Ne
voilliez eshalcier en halt vostre corn.”

Trad.
du ps. 74, MS. n° I.


Si
cum furn de feu.”

Trad.
du ps. 20, MS. n° I.


Quant
sunt jurn de tuen serf.”

Trad.
du ps. 118, psaut. de Corbie.


Oiet
tei li sires en jurn de tribulatiun…”

Il
orrat nus el jurn que nus apeleruns.

Trad.
du ps. 19, MS. n° I.


El
noble turn de la nostre sollempnitet.”

Trad.
du ps. 80, psaut. de Corbie.

On
sent que les langues qui conservaient l’ RN devaient adoucir le son
par l’ adjonction de la voyelle euphonique finale.

L’
espagnol et le portugais disent:

Carne,
infierno, inferno, inverno (invierno), horno, forno, torno.

L’
Italien ne rejette jamais la voyelle euphonique, quoique le mot soit
terminé en N, et il dit:

Carne,
inferno, inverno, forno, giorno, soggiorno, torno, ritorno, etc.

Mais
les patois de la haute Italie conservent la terminaison romane
primitive.

Substantifs
en U et V.

Roman:
Clau, esclau, nau, trau, feu, greu, neu.

Ablativ,
accusativ, activ, adjectiv, comparativ, dativ, genitiv, imperativ,
indicativ, infinitiv, nominativ, optativ, passiv, subjonctiv,
substantiv, superlativ, vocativ.

Français:

En
français, cette désinence a été presque toujours rendue par le
changement de l’ U ou du V en F.

Clef,
nef, fief, grief.

Ablatif,
accusatif, actif, adjectif, comparatif, datif, génitif, impératif,
indicatif, infinitif, nominatif, optatif, passif, subjonctif,
substantif, superlatif, vocatif.

L’
ancien français ne disait pas neige, mais neif, noif, venant de NEU
roman.


Tu
laveras me, e sur neif serai emblanchiz.”

Trad.
du ps. 50, MS. n° I.

Onc
plus espes ne noif ne gresle

Ne
vi voler.

Roman
de la Rose, V. 15823.

Espagnol:

La
langue espagnole a ajouté la voyelle O ou E, et a dit:

Llave,
nave, esclavo, etc.

Ablativo,
accusativo (acusativo), etc. (N. E. activo, adjetivo, comparativo,
dativo, genitivo, imperativo, indicativo, infinitivo, nominativo,
optativo, pasivo, subjuntivo, sustantivo, superlativo, vocativo;
algunas de ellas se encuentran también en femenino).

Portugais:

La
langue portugaise en a fait autant; mais, dans le mot NAO, l’ O a
évidemment remplacé l’ U de NAU roman.

Italien:

La
langue italienne a toujours l’ E ou l’ O euphonique dans les mots
auxquels l’ usage ne permet pas de le rejeter; les patois de la haute
Italie ont conservé l’ antique forme.

Substantifs
en UC.

Roman.
Français. Espagnol. Portugais. Italien.

Duc
Duc Duc Dhuc Duce

Aujourd’hui
on dit en espagnol et en portugais duque, mais il existe encore des
exemples qui prouvent qu’ anciennement ces deux langues ont employé
la terminaison romane:


Nin
duc ni rico ome…” Fuero Juzgo, IX, II, 8.


Si
quier duc, si quier ricombre.” Fuero Juzgo, IX, II, 9.

El
duc Valeriano.

Mart.
de S. Lor. cob. 92. (N. E. Martirio de San Lorenzo)


O
infante vosso tio que he dhuc della.”

Doc.
de Viseu, 1439. (1: Elucidario t. I, p. 374.)

Substantifs
en UL.

Roman:
Mul, cul.

Français:
Mul, cul.


D’
un blanc mul descendi maintenant.” Chroniques de France.
(1:
Recueil des Hist. de France, t. V, p. 278. )


Seur
mulz et seur chevaux.” Chroniques de France. (2: Ib. p. 309.)


Palefroi,
muls et mules.” Villehardouin, p. 99.

Espagnol:

Quoique
l’ espagnol et le portugais aient adopté l’ O final euphonique, il
est cependant dans le portugais des traces de l’ ancien usage.

Portugais:


E
se o confrade disser á outro confrade: villam, fodidincul ou
tredor.”

Docum.
de Thomar, 1388. (3: Elucidario t. 1, p. 312.)

Italien:

Les
mots en L final permettant de rejeter la lettre euphonique, on
trouve: Mul, cul.

Non
voler trar lo mul di sua natura. Barberini, Doc. d’ Am. p. 134.


Che
non le tocava il cul la camisia.” Boccacio, Decameron, IV, 2, p.
218.

Les
patois de la haute Italie n’ admettent jamais la voyelle euphonique.

Substantifs
en UT.

Roman:
Salut, statut, tribut, vertut.

Français:
Salut, statut, tribut, vertut.

La
langue française a conservé dans plusieurs mots le T final roman;
dans quelques autres elle l’ a gardé assez long-temps, mais l’ a
abandonné ensuite en marquant d’ un accent l’ E final de libertet,
veritet, ainsi que je l’ ai prouvé précédemment.

Mais
les mots terminés en IT et en UT n’ ont pas été marqués d’ un
accent, parce qu’ il n’ était pas nécessaire de distinguer les I et
les U brefs ou longs, comme il est nécessaire de distinguer les É
fermés ou les E muets. Ainsi de marit est venu mari, et de vertut,
vertu.

Dans
notre ancien idiome, ce substantif a conservé assez long-temps le T
final primitif.


En
la vertut de Dieu.” Trad. des Dialogues de S. Grégoire.
(1:
Hist. Litt. de la Fr. t. XIII, p. 11.)


E
la verge Aaron ù Deu sa vertud mustrad.”

Trad.
du Ier liv. des Rois.


E
livrat en chaitivitet la vertut d’ icels.”

Trad.
du ps. 77, psaut. de Corbie.

Espagnol:

La
langue espagnole a conservé la terminaison romane avec la seule
modification de changer le T en D, elle a dit salud, virtud, etc.
Mais les manuscrits anciens offrent exactement la terminaison romane
primitive.

La
virtut de la missa quanto pode valer. Sacrificio de la misa, cob.
121.


Por
salut de las almas.” Fuero Juzgo, I, IX, p. 10.


Que
a ninguna otra servitut non sean constreinidos.”

Fuero
de S. Vincent de Sosierra. (1: Llorente, Not. de las prov. vasc., t.
IV, p. 209.)

Portugais:

Le
portugais prend l’ E euphonique, et dit virtude, servitude.

Italien:
Il faut appliquer au changement de l’ UT roman en U italien les mêmes
observations qui ont déja été faites sur les substantifs en AT
changé en À; c’ est la même opération.

Les
patois de la haute Italie ont adopté l’ ù final, comme ils avaient
adopté l’ À final.

A
ces nombreuses et diverses désinences, soit de substantifs
masculins, soit de substantifs féminins qui ne sont pas en A bref ou
muet, désinences dont je présente les séries et les rapports, j’
aurais pu en ajouter plusieurs autres, mais je les omettrai ici par
deux raisons:
la première, parce qu’ elles n’ appartiennent pas
à des mots dont les

groupes
soient assez considérables; la seconde, parce que quelques-uns de
ces mots ne se retrouvent pas dans chacune des langues de l’ Europe
latine. Si plusieurs des terminaisons indiquées viennent du latin,
par la conservation du mot entier, comme animal, etc., ou par le
tronquement de la finale caractéristique du cas, comme pontem, il en
est beaucoup d’ autres qui ne viennent pas directement du latin, et
qui ont été admises dans toutes ces langues, et appliquées à des
mots auxquels le latin attachait une autre terminaison, comme:

Corage,
lenguage, linhage, message, omenage, viage, etc.,
signal, beltat,
agnel, annel, ramel, vassel, cavalier, corrier, campion, cubertor,
mirador, servidor, etc.

Comment
ces diverses langues se seraient-elles accordées à rejeter la
terminaison latine primitive, pour y substituer une terminaison
étrangère? N’ est-il pas évident que, pour une telle opération,
elles avaient besoin d’ un type commun?

Il
y a même des substantifs dont la racine, empruntée à d’ autres
langues, a reçu et conservé généralement la terminaison
caractéristique fournie à d’ autres mots par la suppression de la
finale latine, tels que

Fardel,
ardiment, bastiment, escarniment, cangiament, enseignament, rancor,
etc.

Enfin
toutes les langues ont adopté des mots dont le latin n’ indiquait ni
la racine, ni la terminaison:

Ahan
ou afan, desden, palafren, jardin, mastin, arnes, marques, colp,
baston, esperon, trot, jorn, esclau, etc.

Accidents
grammaticaux dans les substantifs de la langue romane, et qui ne se
retrouvent que dans l’ ancien français.

De
toutes les langues de l’ Europe latine, l’ ancien idiome français a
seul conservé ces formes dont l’ emploi supplée si heureusement à
l’ absence des cas, qui, dans les langues à inflexions, désignent
soit les sujets, soit les régimes directs et indirects.

Pour
démontrer avec quelle exactitude l’ ancien français reproduisit ces
formes de la langue des troubadours, il me suffira d’ appliquer au
français les principes que j’ ai indiqués dans la grammaire romane.

Au
singulier, l’ S final, attaché à tous les substantifs masculins, et
à la plupart des substantifs féminins qui ne se terminent point en
E muet, avertit qu’ ils sont employés comme sujets; et l’ absence de
l’ S désigne le régime direct ou indirect.

Au
pluriel, les sujets ne reçoivent pas l’ S que prennent les régimes
directs ou indirects.

Je
présenterai successivement de nombreux exemples de ces formes,
surtout de celles qui ne sont plus aujourd’hui dans la langue, et je
rangerai les substantifs par assonnances.

L’
S désignant que le substantif est Sujet au singulier.

Assonnances
en A:

Li
arcz des forz est surmuntez.

Trad.
du Ier livre des Rois, fol. 3.


Pierre
de Chappes qui ere cardonials.” Villehardouin, p. 155.


Qui
ere amirals des galies.” Villehardouin, p. 197.


Travals
est e dolurs.” Trad. du ps. 89, MS. n° I.


Ensi
dura cil assals bien por cinq jorz.” Villehardouin, p. 32.


Icil
chastials les truvailla tant.” Villehardouin, p. 137.


Nient
apresmeit a tei mals.” Trad. du ps. 90, MS. n° I.


E
li enchalz dura desque Battaven.”

Trad.
du Ier Liv. des Rois, fol. 16.


Que
Joffrois li marescals e Manassiers de Lisle garderoient.”

Villehardouin,
p. 146.

Ce
est li romanz de la Rose. Roman de la Rose, v. 37.


Et
cuiderent bien que li remananz fus toz perduz.”

Villehardouin,
p. 151.


Johans
li rois de Blaquie venoit.” Villehardouin, p. 146.


Or
uns serjanz… s’ en alat à la fontaine.”

Trad.
des Dial. de S. Grégoire. (1: Hist. Litt. de la France, t. XIII, p.
10.)

Nus
n’ est joyeux com Thiebauz. Le Roi de Navarre, chans. XXVI.


Et
plut sur els si cum puldre carns.” Trad. du ps. 77, psaut. de
Corbie.

E
dut estre pris ses chars d’ armes. Villehardouin, p. 92.

La
gregneur pars doit estre meie. Marie de France, t. II, p. 100.

Fu
ocis li chatelains de Saintes. Joinville, p. 185.


Assonnances
en E:

Cist
iert sires sur mun pople. Trad. du Ier liv. des Rois, fol. 11.


Qui
est racines de toz mals.” Villehardouin, p. 103.


Li
poples s’ en parti.” Trad. du Ier livre des Rois, fol. 15.

Car
grans est, ce croi, li outrages,

Que
bien sai que nobles courages

Ne
s’ esmuet pas de poi de chose.

Roman
de la Rose, v. 16521.


Vint
un granz passages de cels de la terre de Surie.”

Villehardouin,
p. 130.


Or
conte li livres une grant merveille.”

Villehardouin,
p. 142.


Li
reis cumanded a Jacob ki estoit maistres cunestables de la chevalerie
le rei.” Trad. du IIe liv. des Rois, fol. 74.


Li
royaumes de France demeure en sa puissance.” Joinville, p. 190.

Uns
proverbes dit et raconte. Fabl. et Cont. anc., t. III, p. 76.

Souvent
me raconta uns miens oncles.

Fabl.
et Cont. anc., t. 1, p. 334.

Je
sui li prophetes. Trad. du Ier liv. des Rois, fol. 11.

Mes
cuers por li sautele. Le roi de Navarre, chans. I.


Il
est yvers entrez.” Villehardouin, p. 33.


Il
ere mult preux et mult vaillanz et bons chevaliers.”

Villehardouin,
p. 94, 135.


E
enquis ù fust li ostels al prophete.” Trad. du Ier liv. des Rois,
fol. 9.


Est
toz mes desirriers devant tei e mes gemissemenz n’ est mie reposz.”

Comment.
sur le Sautier, fol. 82. (1: Glossaire sur Joinville, N.)


Ensi
fu faiz le sairemenz d’ une part et d’ autre.”

Villehardouin,
p. 138.

Car
riens ne lor porroit tant plaire. Roman de la Rose, v. 7731.


Quel
chose puist issir de la fontaine de pitiet, si pitiez non?”

Sermon
de S. Bernard, fol. 88.

E
la clartés aval descent. Roman de la Rose, v. 1551.


La
citez ere mult bien garnie de blez.” Villehardouin, p. 132.

Dont
lor profite adversités,

Plus
que ne fait prospérités.

Roman
de la Rose, v. 4973.

Avec
le caut revient l’ estés. Roman de Brutus.
(1: Glossaire sur
Joinville, P. )


Destruite
fu la chretientez.” Villehardouin, p. 120.


Assonnances
en I:

La
meschinette et ses maris

S’
entramoient de bone amor.

Fabl.
et Contes anc., t. III, p. 472.

Ses
amis l’ a moult conjuré. Le Castoiement, conte 2.

Maugré
qu’ en ait Sains-Esperis. Roman de la Rose, v. 12104.


E
fu tels lor conseils.” Villehardouin, p. 140.


Ainsi
fu la fins de lor conseil.” Villehardouin, p. 150.

E
quant il fu nuiz. Villehardouin, p. 150.


Parlerent
de plait faire… E li plais fu tels que il rendirent le chastel.”

Villehardouin,
p. 162.


E
li criz munta devam Deu jesqu’al ciel.”

Trad.
du Ier liv. des Rois, fol. 7.


Et
ere li criz si granz que il sembloit que terre et mer fundist.”

Villehardouin,
p. 88.


La
regned li soleils de justise.” Trad. du Ier liv. des Rois, fol. 8.

Tam
que pitiez e mercis l’ en prendra. Le roi de Navarre, chans. III.


Si
tis plaisirs est.” Trad. du Ier liv. des Rois, fol. 17.


Assonnances
en O:

A
tant devins ses homs, mains jointes. Roman de la Rose, v. 1965.

Songes
fu ou abusions. Fabl. et Contes anc, t. III, p. 336.


Dous
ales ait donkes nostre oroisons, lo despitement del monde e l’
affliction de la char.” Sermon de S. Bernard.
(1: Glossaire sur
Joinville, A. )

Li
rossignols chante tant. Le roi de Navarre, chans. XV.

Pouvoirs
et vouloirs et bontez,

Ces
trois sont en un Dieu comptez.

Trésor
de J. de Meung.

Que
ce fut la flors des barons. Fabl. et Contes anc. t. II, p. 319.

Que
tout n’ est pas ors c’ on voit luire. Fabl. et Contes anc., t. III,
p. 76.

Car
mes espoirs vaut d’ autrui le joir. Adam le bossu.
(1: Roquefort,
de la Poésie française, p. 79. )


Si
advint que un garçons qui les vit l’ ala hastivement dire.”

Joinville,
p. 184.

Ne
jà de par moi n’ ert faussée

L’
amors que Diex m’ a commandée.

Fabl.
et Contes anc., t. II, p. 206.

Li
oisillons du vert bocage,

Quant
il est pris et mis en cage. Roman de la Rose, v. 14145.

Quant
prodoms offre son servise. Roman de la Rose, v. 15058.

Cist
bons Rois Karles l’ en toli. Roman de la Rose, v. 6670.


S’
en croisierent por ce que li pardons ere si gran.”

Villehardouin,
p. 2.


Que
si halte justise devoir bien toz li monz veoir.” Villehardouin, p.
127.


Li
jorz fu pris en une mult belle praerie.” Villehardouin, p. 206.

Dame,
ma morz e ma vie est en vos. Le roi de Navarre, chans. XXIV.


Assonnances
en U:

Si
m’ aist Diex et sa vertuz. Le Castoiement, Conte I.

Dist
que tes hontes ert honneurs. Fabl. et Contes anc., t. I, p. 127.


Si
lur dist: Rei m’ avez demanded, Deus l’ ad oï.”

Trad.
du Ier liv. des Rois, fol. 10.


Et
li murs fu mult garnis.” Villehardouin, p. 65.


Li
fums de la fureur de lui.” Trad. du ps. 17, MS. n° I.


Et
li feus si commence si grans.” Villehardouin, p. 68.


Que
ducs seit sur mun pople.” Trad. du Ier liv. des Rois, fol. 11.


Absence
de l’ S final marquant que le substantif est régime au singulier.

Assonnances
en A:


El
val de plur.” Trad. du ps. 83, MS. n° I.


Mangerai
jo d’ une charn des tors, u le sanc des bues beverai.”
Trad. du
ps. 49, psaut. de Corbie.

Assonnances
en E:

Quar
nuit e jor du cuer la vei. Le Castoiement, conte 2.

Si
que onc ne perdirent vaillant un dener. Villehardouin, p. 180.

Del
plus bas emfern. Trad. du ps. 75, psaut. de Corbie.

En
tue la citet. Trad. du ps. 72, MS. de Corbie.

Ested
e ivern tu as fait. Trad du ps. 73, MS. n° I.

Revint
al pople e si lur dist. Trad. du Ier liv. des Rois, fol. 10.

Assonnances
en I:

Son
bon ami esprouvera. Le Castoiement, conte 2.

Si
n’ en avez merci de votre gré. Le roi de Navarre, chans. III.

Assonnances
en O:

De
fine amor vient seance et beauté

Et
amors vient de ces deux autresi.

Le
Roi de Navarre, chans. VI.

Ne
voillier eshalcier le corn. Trad. du ps. 74, MS. n° I.


Assonnances
en U:


Sor
un bel leu.” Villehardouin, p. 180.


Lors
crierez à Deu merci.” Trad. du Ier liv. des Rois, fol. 9.


Les
divisions del flum.” Trad. du ps. 45, MS. n° I.


La
lumiere de tun vult.” Trad. du ps. 89, Ms. n° I.


Maistre
escrivain de la curt.” Trad. du IIe liv. des Rois, fol. 50.


El
jurn de la meie tribulatiun.” Trad. du ps. 76, psaut. de Corbie.


De
la tue vertut.” Trad. du ps. 88, ps. de Corbie.


Absence
de l’ S final désignant les sujets au pluriel.

Assonnances
en A:

Diex!
quel avantage me firent

Li
vassal qui la desconfirent.

Roman
de la Rose, v. 14937.

Si
drap me semblent d’ escarlate. Fabl. et Contes anc., t. I, p. 202.

Sous
ceste clef sunt mi joyau. Roman de la Rose, v. 2014.


Celui
cui li Franc avoient chacié de Constantinople.”

Villehardouin,
p. 129.

E
li fuiant se recueillent tuit à lui. Villehardouin, p. 149.

Assonnances
en E:

Nostre
pere recunterent à nus. Trad. du ps. 43, MS. n° I.

Après
viennent li arcevesque

Et
li abé et li evesque.

Partonopex
de Blois. (1: Not. des MSS. de la Bibl. du Roi.)


A
cel point que li message vindrent en Constantinople.”

Villehardouin,
p. 154.


En
infer vont li bel clerc e li bel cavalier… e li franc
home…”
Fabl. d’ Aucassin et Nicolette.


Se
tornerent li chastel qu’ il avoient garnis contre lui.”

Villehardouin,
p. 135.

Ne
ti ami ne ti parent

Valoir
ne t’ i porront noient.

Fabl.
et Contes anc., t. 2, p. 182.

Que
tuit ti beau membre te duelent. Fabl. et Contes anc., t. I, p. 304.

Tout
mi penser sont à ma douce amie. Le Châtelain de Couci.
(1: La
Borde, Essai sur la musique, t. II, p. 262.)

Tant
fussent bon phisicien. Roman de la Rose, v. 16162.

Et
quant li autre chevalier… virent ce.

Villehardouin,
p. 143.

Si
comme li fourrier coururent. Joinville, p. 184.

Li
citoyen de Saintes vindrent. Joinville, p. 185.

Quant
li deux crestien furent armé. Joinville, p. 188.

E
cil oisel, chascun matin,

S’
estudient en lor latin

A
l’ aube du jor saluer.

Roman
de la Rose, v. 8445.


Li
arcevesque, li evesque, li abbé, e li baron, qui orent pitie et
paour de leur roi, vindrent hastivement.” Joinville, p. 189.

Experiment
si m’ ont fait sage. Roman de la Rose, v. 13009.


Assonnances
en I:

Le
blasmoient moult si ami. Fabl. et Contes anc., t. 3, p. I.


E
mi veisin de luinz esturent.” Trad. du ps. 37, MS. n° I.


Celui
que li pelerin avoient amené.” Villehardouin, p. 126.


Respundirent
li pruveire e li devin.” Trad. du Ier liv. des Rois, fol. 7.


Et
lors manderent li Greu et li Latin ensemble.”

Villehardouin,
p. 191.


Tuit
se acorderent li grant et li petit.” Villehardouin, p. 16.


Assonnances
en O:

Que
tes alées e ti tour

Soient
tuit adès là entour.

Roman
de la Rose, v. 1396.

Mi
compagnon, dit-il, par Dè!

Dès
quant estes vous retorné?

Le
Castoiement, conte 15.


Avec
ces deux comtes se croisserent deux mult halt baron de France.”

Villehardouin,
p. 2.

Et
li courreor corrurent parmi la terre. Villehardouin, p. 204.


Dont
li nom ne sont mie en escrit.” Villehardouin, p. 18 et 21.


Assonnances
en U:

E
li escu furent portendu. Villehardouin, p. 28.

Si
cheveul tuit destrecié furent. Roman de la Rose, v. 309.


Et
li Turc virent que il ne pourroient avoir secors.” Joinville, p.
187.


Li
flum leverent, Sire, li flum leverent lur voiz.”

Trad.
du ps. 92, MS. n° I.


Serunt
saulet li fust del camp.” Trad du ps. 103, psaut. de Corbie.


Et
furent nomé li Leu.” Villehardouin, p. 103.


L’
S final marquant le régime dans les substantifs pluriels.

Assonnances
en A:


Od
lires e tympans e frestels e cembals.”
Trad. du IIe liv. des
Rois, fol. 47.

Dels
travals e dolurs. Trad. du ps. 89, psaut. de Corbie.


Dunerent…
les charns de tes merceiables as bestes de terre.”

Trad.
du ps. 78, psaut. de Corbie.

Estendiet
ses bains desque à la mer. Trad. du ps. 78, psaut. de Corbie.

Assonnances
en E:

Li
rois mande ses arcevesques

Ses
meillors clercs et ses esvesques.

Partonopex
de Blois.
(1: Not. des MSS. de la Bibl. du Roi, t. IX, part. II,
p. 52.)


Sur
les chevels de mun chief.” Trad. du ps. 68, MS. n° I.

Assonnances
en I:

Delez
les pins, delez les fresnes. Roman de la Rose, v. 18146.

Dont
mout ont travaus et anuis. Roman de la Rose, v. 18597.

Assonnances
en O:


La
duché de Nike qui ere une des plus altes honors de la terre de
Romanie.” Villehardouin, p. 126.


E
esleverent li flum lur gorz.” Trad. du ps. 92, MS. n° I.

Assonnances
en U:


Sire,
Deus de vertuz.” Trad. du ps. 79, psaut. de Corbie.

Tu
ne sez vaillant deus festuz. Les deux Bordeors. (2: Roquefort, de la
Poésie française, p. 290.)


Ils
trouverent grand plentè de muls et de chamex chargiés d’ or et d’
argent.” Chron. de France. (3: Rec. des Hist. de Fr., t. III, p.
249.)

Autre
manière de distinguer les sujets et les régimes dans la langue des
troubadours et dans l’ ancienne langue française.

La
langue des troubadours, indépendamment de la règle précédente,
donnait souvent aux noms propres une terminaison différente, selon
qu’ ils étaient sujets ou régimes.

Dans
les noms qualificatifs en OR, le sujet était souvent en AIRE, EIRE,
IRE.

L’
ancienne langue française adopta en grande partie ces formes
grammaticales.

Je
donnerai d’ abord des exemples de la différence de terminaison dans
les noms propres romans, pour indiquer qu’ ils étaient sujets ou
régimes.

Exemples
romans.

Sujet:
Aimes intra el palaitz denan lo rei…

Régime:
E parlarem d’ Aimo l’ envassalat.

Roman
de Gérard de Rossillon.

Régime:
Fazia guerra mortal

A
‘N Aymon d’ Aigremont;

Sujet:
E ‘N Aymes mant castel

E
manta tor li font.

Vid.
de S. Honorat, 114.

Sujet:
Hugues ferit Doltran en son escut.

Régime:
Vec vos per la batalha Ugon ensi.

Roman
de Gérard de Rossillon.

Régime:
G. vai conseilh querre a Odilo…

Sujet:
Bon nebs, dis lo coms Odiels, enten raso.

Roman
de Gérard de Rossillon.

Exemples
de l’ ancien français.

Sujet:
“Qui fu apelés messires Hues de Tabarie… Sire, fait messires
Hues, que vous donrai-jou? Hues, fait li rois, je les querrai.”
L’
Ordene de Chevalerie.

Régime:
“Si demand a mon Sire Huon comment on faisoit chevaliers.”
L’
Ordene de Chevalerie.

Sujet:
Cest fablel fist Hues Piaucele.

Fabl.
et Contes anc., t. 4 p. 472.

Régime:
En ce lay du vair palefroi

Orrez
le sens Huon le roi.

Fabl.
et Contes anc., t. I, p. 165.

Sujet:
“E quant Pieres estoit en la cort, de lez se vint une des ancelles
lo soverain prestre…” Trad. de la Passion. (1: Mém. de l’ Ac.
des Inscr. et Belles-Lettres, t. XVII, p. 725.)

Régime:
“E quant ille ot veut Pieron ki se chalfieuet al feu.”

Trad.
de la Passion. (1: Mém. de l’ Ac. des Inscr. et Belles-Lettres, t.
XVII, p. 725.)

Sujet:
Bueves jousta a la soie compaigne.

Roman
de Guillaume au court nez.

Régime:
Buevon apelle et Guion le tiois…

Li
quens Guillaume apele dant Buevon.

Roman
de Guillaume au court nez.

Sujet
et Régime:

Li
cuens Hues herberge

A
Avranches où il torna,

Une
nuit a illoec esté,

Au
comte Huon a monstré.

Roman
du Rou. (2: Recueil des Hist. de Fr., t. XIII, p. 241.)

Hues
a les dix mile sols pris.

Roman
du Rou. (3: Ib. p. 245.)

L’
ancestre Huon le bigot.

Roman
du Rou. (4: Ib. p. 238.)

La
forme plus générale qui marqua les substantifs de l’ ancien
français pour distinguer les sujets des régimes, ce fut la
désinence ERE, ERES, imitée du roman AIRE, AIRES.

Cette
désinence caractérisa au singulier le sujet, quand le substantif
exprimait une qualité personnelle, tandis que le régime du
singulier et les sujets et régimes du pluriel prenaient constamment
la terminaison commune en OR ou EUR, OUR, qui représentaient OR
roman.

Comme
cette forme est peu connue, et qu’ elle embarrasse les personnes qui
commencent l’ étude des anciens monuments de la langue française,
j’ en rassemblerai divers exemples:


Fu
li accusierres.” Gestes de Louis le débonnaire. (1: Recueil des
Hist. de Fr., t. VI, p. 154.)

C’
on ne croit pas qu’ il soit Ameres

Més
essaieres et vanteres.

Fabl.
et Cont. anc. t. 2, p. 218.


Saint-Martin,
dit-il, est bons aidieres au besoing, mais il veut bien estre paiès.”
Chron. de France. (2: Ib. t. III, p. 175.)


Cilz
qui grant barreteres estoit.” Chron. de France. (3: Ib. t. III, p.
175.)


Nobles
combateres et hardi estoit en armes.” Chron. de France. (4: Ib. t.
III, p. 275.)

Diex,
tu ies rois et conseilleres

Et
gouvernieres et jugieres.

Fabl.
et Cont. anc. t. 2, p. 345.

Que
qui ne set dire que fables

N’
est mie conterres resgnables.

Fabl.
et Cont. anc. t. I, p. 92.


Li
tous puissans Dieux crierres et gouverneres du monde.”
Chron.
de France. (1: Recueil des Hist. de Fr. t. III, p. 178.)


Vrais
cultiveres de la foi.” Chron. de France. (2: Ib. t. III, p. 176.)

Deceus
est tex decevierres. Roman de la Rose, v. 5125.

Nostre
defenderes li Deus de Jacob. Trad. du ps. 45, MS. n° I.


Car
tu es deffenderes de païs.” Chron. de France. (3: Ib. t. V, p.
270.)

Leur
vuelt estre a la mort du sien larges donnerres.

Testament
de J. de Meung.


Destruisieres
des Sarrazins.” Chron. de France. (4: Ib. t. III, p. 312.)

Couronés
empereres i fu. Ph. Mouskes.


Et
le chastel esgarda l’ empereres et sa gent.”

Villehardouin,
p. 195.


L’
empereres le conut bien… et quant ce vit le marches de Monferrat
que l’ empereres li voloit attendre ses convenances… fu la chose
menée a tant que li empereres li otroia.” Villehardouin, pag. 108.


Comment
li empereres Fredris fu corronnés.” Joinville, p. 192.

Empereres
ne rois n’ ont nul pooir. Le Roi de Navarre, t. 2, p. 53.


Moult
s’ en esmerveilla li rois e dist que ce estoit uns enchanterres.”

Chron.
de France. (1: Recueil des Hist. de Fr., t. III, p. 236.)

Li
engignieres dist. Roman de Garin. (2: Gloss. sur Joinville, M.)


Devoz
enrichissierres et fonderes d’ abaïes.” Chron. de France. (3:
Recueil des Hist. de Fr., t. III, p. 298.)


Fu
li plus excellens exposerres qui onques fu des Saintes Escriptures.”

Chron.
de France. (4: Ib. t. V, p. 268.)

Mes
dès que ge n’ en suis faisierres. Roman de la Rose, v. 5741.


Li
habiteres del ciel escharnirat.” Trad. du ps. 2, MS. n° I.


Mestres,
gouverneres estoit du palais le roi Haribert.”

Chron.
de France. (5: Ib. t. III, p. 284.)
(N. E. Maire, maître,
maistre, magister du Palais)

Deus
est jugieres. Trad. du ps. 74, psaut. de Corbie.

Au
siege alla comme jongleres. Roman de Brut.

Je
devins lierres merveilleux pour embler.

Roman
de Guillaume au court nez. (6: Gloss. sur Joinville, L. )

N’
est pas bons luitieres ne fors. Roman de la Rose, v. 5903.

S’
uns lechieres li demandoit,

Du
sien volomiers lui donnoit.

Fabl.
et Cont. anc. t. I, p. 242.

Ou
Diex est mentierres. Roman de la Rose, v. 12484.


Par
eulx le requeroit que il fust moienierres de la pais.”

Chron.
de France. (1: Recueil des Hist. de Fr., t. V, p. 241.)

Car
cors ne peut estre pechierres,

Se
li cuers n’ en est consentierres.

Roman
de la Rose, v. 8669.


Tu,
Sires, qui es pardonnerres de tous pechiez.”

Chron.
de France. (2: Ib. p. 305.)

Et
s’ il vient aucuns prometieres. Roman de la Rose, v. 13851.

Lors
a estre advocat m’ assis

Et
courretier et procureres;

Pour
ce ne fus-je pas moins lerres.

Roman
du Renard, fol. 18. (3: Gloss. sur Joinville, L.)

J’
en puis estre recitieres. Roman de la Rose, v. 5742.

Li
miens salveres. Trad. du ps. 17, MS. n° I.

Puis
la laissa li mauls trichierres. Roman de la Rose, v. 13459.

Fu
il adès vainquierres en toutes ses batailles.

Chron.
de France. (1: Recueil des Hist. de Fr., t. III, p. 280.)

L’
avoir, le pris a li vendierres,

Si
que tout pert li achatierres.

Roman
de la Rose, v. 10835.


Diex
qui es juges perdurables et vengierres des innocens.”

Chron.
de France. (2: Ib. t. III, p. 251.)

Uns
versifieres estoit

Qui
bons vers e bons dis fesoit.

Le
Castoiement, conte 4.

Cette
forme heureuse, qui permettait les inversions et distinguait
habilement le sujet du régime, se retrouve encore dans quelques
écrivains du XVe siècle.

Amours
est lierres

De
cueur, ou au moins un changierres,

Aux
bons bon, aux bolieurs bolierres.

Œuvres
d’ Alain Chartier, p. 655.

Voici
des exemples de la terminaison différente des mêmes substantifs
employés comme régimes au singulier, ou comme sujets et régimes au
pluriel:

Régimes
au singulier des substantifs en ERES.


Seignor,
nos somes accordé, la Dieu merci, de faire empereor, et vous avez
tuit juré que celui cui nous eslirons à empereor, vous lo tendrez
por empereor.” Villehardouin, p. 107.

Le
roi un fableor avoit. Le Castoiement, conte 8.

En
son lit met le lecheor…

Primes
mucent le lecheor.

Le Castoiement, conte 7.


Il
deguerpit Deu sun faitor.” Trad. d’ Audite coeli, psaut. de Corbie.

Sujets au pluriel des substantifs en ERES.


Ainsi l’ ont fait maint bouleor. Roman de la Rose, v. 7511.

Vous estes dui enchanteor. Roman de la Rose, v. 12462.

Près d’ une maison aprocherent 

Où beveor en deduit erent. Fabl. et Contes anc. t. 2, p. 73. 

E li fol large doneor 

Si forment les enorguillissent.

Roman de la Rose, v. 7654.

E li nostre enemi sunt jugeor, 

Trad. d’ Audite coeli, psaut. de Corbie.


Régimes au pluriel des substantifs en ERES.

Que il est Dieu des jongleors. 

Et Dieux de tous les chanteors.

Roman de Brut.


Là veissies fleuteors

Menesterez et jongleors.

Roman de la Rose, v. 749.


Je ne puis mieux terminer ces exemples, qui constatent une règle essentielle et caractéristique de l’ ancien idiome français, qu’ en rapportant ici une épitaphe, écrite en cet idiome, sous la date de 1260; c’ est la plus ancienne qui se trouve parmi celles que Montfaucon a rassemblées dans les monuments de la monarchie française. 

On verra que toutes les formes que j’ ai précédemment indiquées, y sont rigoureusement observées, et alors on pourra encore moins révoquer en doute l’ existence antique de la règle.

On trouvera qu’ elle s’ applique aussi à l’ adjectif, ainsi que je le démontrerai dans le chapitre III.


Épitaphe de Robert de Suzane, Roi d’ armes. 


Chi gist de Suzane Fauviaus, 

Rois d’ armes, fors, preus et loiaus,

Plains de meurs, de chevalerie,

Esperanche de se lingnie.

Vainquierres fu et nient vaincus,

Partout fu monstrer ses escus; 

Robers fu apelés par non;

Li vrais Dix li fache pardon.

M et CC et LX ans

Mourut, dont mains homs fu dolans.

Vous qi passés dans me lame

Proiès Diu q’ ait merchi de m’ ame.

Montfaucon, Monuments de la monarchie française, t. 2, p. 164.

Il est permis de regretter que la langue française n’ ait pas conservé ces formes spéciales, caractéristiques, qui donnaient tant de facilité, tant de grace, et surtout tant de clarté au style; je n’ ai retrouvé que dans l’ ancien français l’ emploi de ces formes romanes. (1)

Enfin un autre accident grammatical de la langue romane, c’ est que les noms propres des hommes sont souvent précédés d’ En ou ‘N, et ceux des femmes, de NA ou N’.

La langue italienne paraît avoir employé, mais rarement, l’ un et l’ autre.

Exemples d’ EN: 

Tantot degno ne fosse

Com este re ‘N Anfuse. (N. E. : Anfos, Nanfos,  Amfos, Alfonso, etc.)

Bruneto Latini, tesoretto, p. 37.

“Lasciò rè d’ Araona ‘N Amfus suo primogenito.”

Giov. Villani, lib. VII, c. 102.

“Con tutto che ‘l detto ‘N Amfus vivette poco e succedette il realme al suo fratello Giamo.”

Giov. Villani, lib. VII, c. 102. 


(1) On trouve encore dans les auteurs du XVe siècle des traces de l’ emploi de l’ S comme sujet au singulier:

Cil est nobles et pour tel se maintient… Œuvres d’ Alain Chartier, p. 582.

Amis t’ amour me contraint. Œuvres d’ Alain Chartier, p. 773 et 774.

Homs jolis et cointe. Œuvres d’ Alain Chartier, p. 59. 

Ainsi despend

Un homs trop plus qu’ a lui n’ appent. 

Œuvres d’ Alain Chartier, p. 668. 


Exemples de Na: 

Je me borne à rapporter ce passage de Redi, dans ses Annot. al Ditirambo, p. 181: 

“Giovani Villani con Ricordono Malespina disse Santa Maria N’ Ipotecosa in vece di Santa Maria Ipotecusa.” 


Verbes employés substantivement.

Cette forme est commune à tant de langues, que je suis loin de la considérer comme un des caractères de la langue romane; et, si j’ en fais mention ici, c’ est pour dire que l’ ancien français appliquait à tous les mots employés substantivement la règle relative à la distinction des sujets et des régimes, par la présence ou l’ absence de l’ S à la fin des substantifs.

Sujets:

Puisque li alers te delite. Fabliau de Cortois d’ Arras.

Que li prendres si la deçoit. Le Castoiement des dames. 

Si la blonde savoit

Com li departirs m’ ocira.

Raoul de Beauvais. (1: La Borde, Essai sur la musique, t. II, p. 159.)

Ses biax parlers que tant plest à oïr. 

Simon d’ Athies. (2: Ib. p. 162.)

Régimes:

En lor aller, en lor venir,

En lor tesir, en lor parler.

Le Castoiement des dames. 

“Mainte larme i fu plorée de pitié al departir de lor pays.” 

Villehardouin, p. 17.

Les autres langues de l’ Europe latine ne distinguant pas les sujets et les régimes dans les verbes employés substantivement, il suffira de rapporter les exemples suivants: 

Espagnol:

Como es natural cosa el nascer é el morir. (N. E. el nacer y el morir)

Arcipreste de Hita, cob. 917.

Mi esperar ja desespera.

Juan de Mena, Cancionero general, fol. 27.


Presumir de vos loar

Segun es vuestro valer

Paresce querer contar 

Las arenas de la mar. 

(N. E. Según; parece)

Juan de Mena, Cancionero general, fol. 24. 


Portugais:

Quem vio um olhar seguro, hum gesto brando.

Camões, Os Lusiadas, III, St. 143. 


Italien:

…Fulminato e morto giacque

Il mio sperar che troppo alto montava.

Petrarca, canz. I. 

Les adjectifs employés soit dans la forme impersonnelle, soit avec l’ article, font aussi les fonctions de substantifs dans les diverses langues de l’ Europe latine.

Chapitre II. Substantifs. Grammaire de la Langue Romane.

Chapitre II. Substantifs. Grammaire de la Langue Romane.

Chapitre
II.

Substantifs.

Les
noms doivent être considérés sous les rapports du genre, du
nombre, et du cas.

La
langue romane admet seulement les genres masculin et féminin, que l’
article, la terminaison, font ordinairement reconnaître.

Elle
admet deux nombres: le singulier et le pluriel; ils sont de même
indiqués ordinairement par l’ article, par la terminaison.

Le
CAS fut ainsi nommé à cause du signe final distinguant les sujets
et les régimes dans les langues qui terminent leurs noms par une
variété de désinences ou chûtes, CASUS. Quelques grammairiens ont
prétendu que, dans les langues modernes qui n’ attachent point à
leurs noms cette variété de désinences caractéristiques soit des
sujets soit des régimes, il n’ existait point de cas.

Quoique
je préfère d’ employer les expressions de Sujet et de Régime
Direct ou Indirect, je me conforme quelquefois à l’ usage, en me
servant du mot de CAS, pour rendre mes idées plus sensibles,
sur-tout quand j’ établis des rapports avec les CAS des langues qui
ont des désinences caractéristiques.

Presque
tous les substantifs romans ayant été formés par la suppression de
ces désinences qui marquaient les cas des substantifs latins, il
serait aussi long que fastidieux de présenter ici le tableau de
toutes les terminaisons des différents substantifs romans, soit
masculins, soit féminins. Ces détails minutieux et compliqués
appartiennent au Dictionnaire de la langue (Raynouard, Lexique
Roman): il contiendra la classification des désinences très
nombreuses et très variées qui indiquent les noms substantifs ou
adjectifs; ces noms sont faciles à reconnaître soit à l’ article
ou aux prépositions qui les précèdent, soit au signe qui, dans la
langue romane, distingue les sujets des régimes.

On
a vu précédemment de quelle manière se faisait cette distinction
caractéristique; de nouvelles observations et de nouveaux exemples
confirmeront la règle, et offriront quelques détails nécessaires.

Au
singulier, l’ S final attaché à tous les substantifs masculins et à
la plupart des substantifs féminins qui ne se terminent point en A,
désigne qu’ ils sont employés comme sujets, c’est-à-dire qu’ ils
remplissent la fonction du nominatif ou du vocatif; et l’ absence de
l’ S désigne le régime direct ou indirect, c’est-à-dire que ces
noms remplissent une fonction de génitif, de datif, d’ accusatif, ou
d’ ablatif.

Au
pluriel, les nominatifs et les vocatifs de ces noms, c’est-à-dire
les sujets, ne reçoivent pas l’ S; mais il s’ attache aux génitifs,
datifs, accusatifs, et ablatifs, c’est-à-dire aux régimes directs
ou indirects.

Les
régimes indirects sont facilement distingués, soit au singulier,
soit au pluriel, par les prépositions DE et A, ou autres, qui
précèdent les génitifs, datifs et ablatifs; et les régimes
directs, par l’ absence de ces prépositions, lesquelles ne sont
jamais placées entre des verbes et un nom qui devient leur régime
direct.

Les
noms féminins en A, sujets ou régimes, ne reçoivent, dans aucun
cas du singulier, l’ S final, qu’ ils gardent à tous les cas du
pluriel.

Les
substantifs qui originairement se terminent en S, le conservent dans
tous les cas, soit au singulier, soit au pluriel.

Pour
offrir des exemples de l’ emploi de l’ S, désignant au singulier les
noms masculins comme Sujets, je choisis un couplet entier:

Valer
m degra MOS PRETZ e MOS PARATGES

E
ma BEUTATZ e plus MOS FINS CORATGES;

Per
qu’ ieu vos man, lai on es vostre ESTATGES,

Esta
chanson, que me sia MESSATGES,

E
voill saber, lo MIEUS BELS AMICS GENS,

Per
que m’ etz vos tan FERS e tan SALVATGES;

No
sai si s’ es ORGUELHS O MALS TALENS. (1)

Comtesse
de Die: A chantar.

(1)
Valoir me devrait mon prix et mon parage

Et
ma beauté et plus mon tendre attachement;

C’est
pourquoi je vous mande, là où est votre demeure,

Cette
chanson, qui me soit message,

Et
je veux savoir, ô le mien bel ami gent,

Pourquoi
m’ êtes vous tant cruel et tant sauvage;

Ne
sais si c’est orgueil ou mauvaise volonté.


Je
donne de même un couplet entier pour les exemples de l’ absence de
l’ S, désignant au singulier les noms masculins comme régimes
directs ou indirects:


Seinher
Conrat, tot per vostr’ AMOR chan,

Ni
ges no i gart AMI ni ENNEMI;

Mas
per so ‘l fatz qu’ ill crozat vauc reptan
Del PASSATGE qu’ an si
mes en OBLI:

Non
cuidon qu’ a DEU enoia

Qu’
ill se paisson e se van sojornan;

E
vos enduratz FAM, SET, et ill stan. (1)

Bertrand
de Born: Ara sai.
(1) Seigneur Conrad, tout pour votre amour je
chante,

Et
aucunement n’ y regarde ami ou ennemi;

Mais
pour ce le fais que les croisés vais accusant

Du
passage qu’ ils ont ainsi mis en oubli:

Ils
ne pensent pas qu’ à Dieu il déplaise

Qu’
ils se repaissent et se vont séjournant;

Et
vous endurez faim, soif, et eux restent.


L’
observation de cette règle et son utilité sont frappantes dans les
phrases où le même nom est successivement employé et comme Sujet
et comme Régime:


Qe
mais mi notz A DEU SIAZ

Que
DEUS VOS SAL no m’ ajuda. (2)

Cadenet:
Amors e cum er.
(2: Parce que plus me nuit A DIEU SOYEZ
Que
DIEU VOUS SAUVE ne m’ aide.
Pour l’ intelligence de ces locutions,
je dois avertir que la première correspond à ADIEU, et signifie
donc l’ instant de la séparation; et que la seconde correspond à
BON JOUR, et signifie celui de l’ arrivée.)


Parmi
les citations que je pourrais faire de la prose romane, je préfère
ce passage qui commence l’ ouvrage intitulé: Leys d’ Amors:

Segon
que dis lo PHILOSOPHS, tut li home del mon desiron aver sciensa, de
la qual nais SABERS, de SABER conoyssensa, de connoyssensa SENS, de
SEN be far, de be far VALORS, de VALOR LAUZORS, de LAUZOR HONORS, d’
HONOR pretz, de pretz PLAZERS, et de PLASER gaug e ALEGRIERS.” (1)

(1) «Selon que dit le philosophe, tous les hommes du monde
desirent avoir science, de laquelle naît savoir, de savoir
connaissance, de connaissance sens, de sens bien faire, de bien faire
valeur, de valeur louange, de louange honneur, d’ honneur prix, de
prix plaisir, et de plaisir joie et allégresse.»

Il
me reste à donner, pour le pluriel, des exemples de l’ absence de l’
S désignant les sujets, et de la présence de l’ S désignant les
régimes:

Plur.
Sujet. De fin’ amor son tuit MEI PENSAMEN

E
MEI DESIR e MEI MEILLOR JORNAL. (2)

P.
Raimond de Toulouse: De fin’ amor.

En
vos son pauzat MIEI VOLER,

E
MIEI TALAN e MIEI DESIR. (3)

Elias
de Barjols: Pus la bella.

Plur.
Régime. En abril, quan vei verdeiar

LOS
PRATZ VERTZ, e ‘ls VERDIERS florir. (4)

Bernard
de Ventadour: En abril.

Lo
temps vai, e ven, e vire

Per
JORNS e per MES e per ANS. (5)

Bernard
de Ventadour: Lo temps.

Plur.
Régime. Car qui be vol baissar e frevolir

SOS
ENNEMICS, BOS AMICS deu chausir. (1)

Bernard
Arnaud de Montcuc: Anc mais.

Pro
ai del chan ESSENHADORS

Entorn
mi et ENSENHAIRITZ,

PRATZ
e VERGIERS, ARBRES e flors

Voutas
d’ AUZELНS e LAIS e CRITZ. (2)

Geoffroi
Rudel: Pro ai del chan.

Voici
des exemples des substantifs féminins en A au singulier, et en AS au
pluriel.

Sing.
Sujet. Que fara la vostr’ AMIA?

Amicx,
cum la voletz laissar! (3)

Bernard
de Ventadour: En abril.

GUERRA
m platz, sitot GUERRA m fan

Amors
e ma DOMNA tot l’ an. (4)

Bertrand
de Born: Guerra.

Sing.
Régime. Farai CHANSONETA NUEVA. (5)

Comte
de Poitiers: Farai.
Lanquan vei la FUELHA
Jos dels arbres
cazer. (6)
Bernard de Ventadour: Lanquan vei.
(1) Car qui bien
veut abaisser et affaiblir
Ses ennemis, bons amics doit
choisir.
(2) Assez j’ ai du chant instituteurs
Autour de moi et
institutrices,
Prés et vergers, arbres et fleurs,
Cadences d’
oiseaux et lais et ramages.
(3) Que fera la votre amie?
Ami,
comment la voulez-vous laisser!
(4) Guerre me plait, quoique
guerre me font
Amour et ma dame toute l’ année.
(5) Je ferai
chansonette nouvelle.
(6) Quand je vois la feuille
En bas des
arbres tomber.

Sing. Régime. Mielz no fa ‘l venz de la RAMA,

Q’
en aissi vau leis seguen,

Com
la fuelha sec lo ven. (1)

Bernard
de Ventadour: Amors enquera.

Plur.
Sujet.

Las
DONAS eyssamens

An
pretz diversamens…

Las
UNAS son plazens,

Las
AUTRAS conoissens. (2)

Arnaud
de Marueil: Rasos es.

Plur.
Régime.
E vey las AIGUAS esclarzir. (3)

Bernard
de Ventadour: En abril.

Anc
Persavals, quant en la cort d’ Artus

Tolc
las ARMAS al cavalier vermelh,

Non
ac tal joy. (4)

Rambaud
de Vaqueiras: Era m requier.

De
las DOМNAS me desesper:

Jamais
en lor no m fiarai. (5)

Bernard
de Ventadour: Quan vei la laudeta.
(1) Mieux ne fait le vent de la
ramée,
Vu qu’ ainsi je vais elle en suivant,
Comme la feuille
suit le vent.
(2) Les dames également
Ont prix
diversement…
Les unes sont agréables,
Les autres
savantes.
(3) Et je vois les eaux éclaircir.
(4) Oncques
Perseval, quant en la cour d’ Artus
Il enleva les armes au
chevalier vermeil, (: rouge)
N’ eut telle joie.
(5) Des dames
me désespère:
Jamais en elles ne me fierai.

J’
ai dit que les substantifs terminés en S le gardaient à tous les
cas du singulier et du pluriel, soit qu’ ils fussent employés comme
Sujets, soit qu’ ils le fussent comme Régimes; je choisis pour
exemples les noms TEMPS, temps; VERS, vers; OPS, besoin, avantage.

Sujets.

Lo
gens TEMPS m’ abellis e m platz. (1)

Arnaud
de Marueil: Lo gens temps.

Qu’
entr’ els lurs gabs passa segurs mos VERS. (2)

Arnaud
de Marueil: L’ ensenhamentz.

Ab
fina joia comensa

LO
VERS qui be ‘ls motz assona. (3)

Pierre
d’ Auvergne: Ab fina.

Car
mot l’ es OPS sacha sofrir

Que
vol a gran honor venir. (4)

Arnaud
de Marueil: Totas bonas.

Régimes.
Totz
TEMPS vos amaria,

Si
totz TEMPS vivia. (5)

Arnaud
de Marueil: Sabers.

Per
joi qu’ ai dels e d’ el TEMPS. (6)

Arnaud
Daniel: Autet e bas.
(N. E. “Tan m’ abellis vostre cortes
deman,

qu’
ieu no me puesc ni voill a vos cobrire.

Ieu
sui Arnaut, que plor e vau cantan;

consiros
vei la passada folor,

e
vei jausen lo joi qu’ esper, denan.

Ara
vos prec, per aquella valor

que
vos guida al som de l’ escalina,

sovenha
vos a temps de ma dolor!”.
Divina Commedia, Dante Alighieri.)

Estat
ai dos ans

Qu’
ieu no fi VERS ni chanso. (7)

Bernard
de Ventadour: Estat ai.

Dirai
un VERS que m’ ai pensat. (8)

Rambaud
d’ Orange: Als durs.

(1)
Le gentil temps me charme et me plait.
(2) Qu’ entre leurs
plaisanteries passe assuré mon vers.
(3) Avec pure joie
commence
Le vers qui bien les mots accorde.
(4) Car beaucoup
lui est besoin que sache souffrir
Qui veut à grand honneur
venir.
(5) En tous temps je vous aimerais
Si en tous temps je
vivais.
(6) Par joie que j’ ai d’ eux et du temps.
(7) Été j’
ai deux ans
Que je ne fis vers ni chanson.
(8) Je dirai un vers
que j’ ai pensé.

Régime.

E
chanta SOS VERS raucament. (1)

Le
Moine de Montaudon: Pus Peire.

Ben
vuelh que sapchon li plusor

D’
est VERS, si ‘s de bona color. (2)

Comte
de Poitiers: Farai un vers.

Lai
on m’ agra ops que fos saubuz mos vers. (3)

Folquet
de Marseille: Chantan volgra.

Qu’
a vos soi fis e a mos ops trayre. (4)

Folquet
de Marseille: Tan m’ abellis.

Concurremment
avec la règle qui désigne par l’ S final le sujet au singulier, la
langue romane usa d’ une forme spéciale pour quelques substantifs
masculins, dont le nominatif au singulier se termina différemment
des autres cas du singulier et de tous ceux du pluriel.

Ces
substantifs reçurent la finale AIRE, EIRE, IRE, comme sujets au
singulier, et la finale ADOR, EDOR, IDOR, comme régimes directs ou
indirects au singulier, et comme sujets ou régimes au pluriel.

AIRE:
sujet.

«Pistoleta
si fo CANTAIRE d’ En Arnaud de Marueil, e fo de Proensa, e pois venc
TROВAIRE, e fez cansos.” (5)

Vie
manuscritte de Pistoleta. Ms. royale 7225, fol. 137.

C’
anc no fui fals ni TRICHAIRE. (6)

Bernard
de Ventadour: Lo rossignols.


(1)
Et chante ses vers rauquement.
(2) Bien veux que sachent la
plupart
De ce vers, s’ il est de bonne couleur.
(3) Là où j’
aurais besoin que fût su mon vers.

(4)
Qu’ à vous je suis fidèle et à mes avantages traître.

(5)
«Pistoleta ainsi fut chanteur d’ Arnaud de Marueil, et fut de
Provence,

et
puis devint troubadour, et fit des chansons.”

(6)
Que jamais je ne fus faux ni tricheur.


AIRE:
sujet.

Qu’
ieu chant gais e joios,

Pois
cil cui sui Amaire,

Qu’
es la gensor qu’ anc fos,

Vol
mi e mas chansos. (1)

Gaucelm
Faidit: L’ onrat jauzens.

ADOR:
régime.

Vergiers
ni flors ni pratz

No
m’ an fait Cantador;

Mas
per vos cui ador,

Domna,
m sui alegratz. (2)

Pierre
Raimond de Toulouse: S’ ieu fos.

Cantarai
d’ aquest Trobadors

Qui
chantan de mantas colors. (3)

Pierre
d’ Auvergne: Cantarai.

Amic
ai de gran valor

Que
sobre totz seingnoreia

E
non a cor Trichador. (4)

Azalais
de Porcairague: Ar em al freg.

Vos
am e no m recre

Per
mal ni per dolor;

Tan
vos ai cor de lial Amador! (5)

Gaucelm
Faidit: Razon.


(1)
Que je chante gai et joyeux,

Puisque
celle dont je suis l’ amant,

Qui
est la plus gentille qui onc fut,

Veut
moi et mes chansons.

(2)
Verger, ni fleur, ni pré

Ne
m’ ont fait chanteur;

Mais
par vous que j’ adore,

Dame,
je suis inspiré.

(3)
Je chanterai de ces troubadours
Qui chantent de maintes
couleurs.
(4) Ami j’ ai de grande valeur
Qui sur tous domine
Et
n’ a pas coeur tricheur.
(5) Je vous aime et ne me lasse
Par
mal ni par douleur;
Tant pour vous j’ ai coeur de loyal
amant.

EIRE: sujet.
E s’ anc fuy gays Entendeire ni drutz.
(1).

Rambaud
de Vaqueiras: D’ amor no m lau.

EDOR:
Rég.
D’ una dona qu’ a dos Entendedors. (2)
Rambaud de
Vaqueiras: Seigner.

IRE:
sujet.

E
ill serai hom et amicx e Servire. (3)

Bernard
de Ventadour: Ben m’ an.

Doncs,
belha, membransa

N’
aiatz qu’ ieu no us sui Mentire. (4)

Gaucelm
Faidit: Coras que m.

IDOR
Rég.
Bona dompna, plus no us deman

Mais
que m prendaz a Servidor. (5)

Bernard
de Ventadour: Non es meraveilla.

Car
del tornar ai paor

Que
me tegna per Mentidor. (6) (N. E. tegna : tenga)

Gaucelm
Faidit: d’ un dolz bel.
(1) Et si oncques je fus gai poursuivant
et galant.
(2) D’ une dame qui a deux poursuivants.
(3) El lui
serai homme-lige, et ami et serviteur.
(4) Donc, belle,
souvenir
En ayez que je vous suis menteur.
(5) Bonne dame, plus
ne vous demande
Si non que me preniez à serviteur.
(6) Car du
retour j’ ai peur
Qu’ elle me tienne pour menteur.

Quand
j’ indique les principales règles qui, dans la langue romane,
servent à distinguer les sujets et les régimes, je ne dois pas
omettre que cette langue possède plusieurs substantifs qui, par leur
double terminaison masculine et féminine, pouvaient être employés
tour-à-tour dans le genre qui convenait aux auteurs.

Ces
mots sont en grand nombre; le dictionnaire roman les indiquera; je me
borne à donner les exemples de FUELH et FUELHA, de JOY et JOYA.

LO
FUELHS e ‘l flors e ‘l frugz madurs. (1)

Pierre
d’ Auvergne: Lo fuelhs.

Quan
la vert FUELHA s’ espan

E
par flors blanqu’ el ramel. (2)

Bernard
de Ventadour: Quan la vert.

Tos
temps sec JOI ir’ e dolors,

E
tos temps ira JOIS e bes. (3)

Bernard
de Ventadour: Ja mos chantars.

No
sai JOYA plus valen. (4)

Geoffroi
Rudel: Quan lo.


Le
substantif DONS est employé dans le même sens que le substantif
DOMNA, mais alors le pronom possessif qui y est joint est MI, TI, SI:

Sujet:

E
MI DONS ri m tan doussamens. (5)

Rambaud
d’ Orange: Ab nov joi. (nov : nou; bov : bou; etc.)

Régime.

Amicx,
quan se vol partir

De
SI DONS, fai gran enfansa. (6)

Gaucelm
Faidit: Sitot ai.

Pois
a MI DONS no pot valer

Dieus
ni merces ni’ l dreich qu’ ieu ai. (7)

Bernard
de Ventadour: Quan vei la laudeta.


(1)
La feuille et la fleur et le fruit mûr.
(2) Quand la verte
feuille s’ épaud.
(3) En tous temps suivent joye la tristesse et
la douleur,

Et
en tous temps tristesse la joye et le bien.
(4) Je ne sais joye
plus précieuse.
(5) Et ma dame rit à moi si doucement.
(6) Un
ami, quand il veut se séparer
De sa dame, fait grand
enfantillage.
(7) Puisqu’à ma dame ne peut valoir
Dieu ni
merci ni le droit que j’ ai.


Enfin
la langue romane employa quelquefois un signe particulier pour
précéder et faire reconnaître les noms propres des personnes
qualifiées.

EN
désigna les noms propres masculins.

NA
désigna les noms propres féminins. (1)

Trobey
la molher d’ EN Guari

E
d’ EN Bernart. (2)

Comte
de Poitiers: En Alvernhe.

E
fa tota la linhada

Que
pres d’ EN Adam naissensa. (3)

Gavaudan
le Vieux: Un vers.

NA
Beatrix, Dieus qu’ es ples de merce

Vos
accompanh’ ab sa mair’ et ab se. (4)

Aimeri
de Peguillan: De tot en tot.

NA
subissait quelquefois l’ élision devant les noms qui commençaient
par des voyelles:

So
dis N’ Agnes, e N’ Ermessen:

Trobat
avem qu’ anam queren. (5)

Comte
de Poitiers: En Alvernhe.


(1)
On conçoit que NA a pu venir de domna, par la suppression de
DOM, mais il est plus difficile d’ expliquer d’ où dérive EN
(Mossen : Mon seigneur etc). M. de Marca a proposé ses
conjectures à ce sujet dans le Marca Hispanica, liv. 3, c. 9.
(2)
Je trouvai la femme de Guarin
Et de Bernard.
(3) Et fait toute
la lignée
Qui prit d’ Adam naissance.
(4) Dame Béatrix, Dieu
qui est plein de merci
Vous place avec sa mère et avec soi.
(5)
Ce dit dame Agnès, et dame Ermessen:
Trouvé avons ce que nous
allons cherchant.

EN et NA furent placés même devant les
sobriquets ou les noms fictifs qui étaient donnés à ces personnes
qualifiées.

Ainsi
Bertrand de Born, qui donne au roi Richard le sobriquet d’ OC E NO, OUI ET NON, dit de lui:

EN
OC E NO vol guerra mais

Que
no fai negus dels Alguais. (1)

Bertrand
de Born: Al dous nov.

(N. E. El 14 de junio de 1461 – los diputats del General e consell representants lo Principat de Cathalunya. – resposta de hoc o de no)

resposta de hoc o de no, 1461, 14 de juny, los diputats del General,  lo Principat de Cathalunya

Bernard
de Ventadour, donnant à la dame qu’ il chantait le nom de FIN’
AMORS, PUR AMOUR, s’ exprime ainsi:
NA FIN’ AMORS, fons de
bontatz,

Merce
ti clam, lai no m’ acus. (2)

Bernard
de Ventadour: Pus mos coratges.

Et
Arnaud de Marueil appelant sa dame SES MERCE, SANS MERCI:

NA
SES MERCE, trop s’ afortis

Vostre
durs cors encontra mey. (3)

Arnaud
de Marueil: Cui que fin’ amors.


(1)
Seigneur oui et non veut la guerre plus
Que ne fait aucun des
Alguais.
(*: noms de fameux brigands qui étaient quatre
frères.)
(2) Dame pur amour, fontaine de bontés,
Merci je te
demande, las! ne m’ accuse.

(3)
Dame sans merci, trop se renforce
Votre dur coeur contre moi.

Verbes
employés substantivement.


A
l’ exemple de la langue grecque et de la langue latine, les présents
des infinitifs furent souvent employés substantivement.

Comme
sujets, ils prirent ordinairement l’ S final, mais ils ne le prirent
pas toujours.

Comme
régimes, ils rejetèrent l’ S final.

Les
régimes indirects furent précédés des prépositions qui les
désignent.

Quelquefois
l’ article fut joint à ces verbes, soit sujets, soit régimes;
quelquefois ils furent employés sans articles, ainsi qu’on le
pratiquait à l’ égard des substantifs mêmes. Voici des exemples de
l’ infinitif des verbes romans employés substantivement.

Sujets
sans articles.
CHANTARS me torna ad afan,

Quan
mi soven d’ En Barral. (1)

Folquet
de Marseille: Chantars.

El
dieus d’ amor m’ a nafrat de tal lansa

Que
no m ten pro SOJORNARS ni JAZERS. (2)

Folquet
de Marseille: Chantan.

Que
VIURES m’ es marrimens et esglais,

Pus
morta es ma dona n’ Azalais. (3)

Pons
de Capdueil: De totz caitius.


Sujets
avec articles.

Pus
LO PARTIRS m’ es aitan grieus

Del
seignoratge de Peytieus. (4)

Comte
de Poitiers: Pus de chantar.

(1)
Chanter me tourne à chagrin,
Quand il me souvient de Barral.
(2)
Le dieu d’ amour m’ a blessé de telle lance
Que ne me tient
profit le reposer ni le coucher.
(3) Que vivre m’ est chagrin et
effroi,
Depuis que morte est ma dame Azalais.
(4) Puisque le
séparer m’ est si pénible
De la seigneurie de Poitou.


Sujets
avec article.

Val
lo bon cor e ‘L GEN PARLARS

E’
l merces e l’ HUMILIARS
Mais que riquezas ni poders. (1)

Arnaud
de Marueil: Si que vos.

Granz
affars es LO CONQUERERS,

Mais
LO GARDAR es maestria. (2)

Gaucelm
Faidit: Chascun deu.

Lanquan
la vei, me te ‘L VEZERS jauzen. (3)

Pons
de Capdueil: Aissi m’ es pres.

Sujets
au pluriel.

Ben
sai qu’ a sels seria fer

Que
m blasmon quar tan soven chan,

Si
lur costavon MEI CHANTAR. (4)

Rambaud
d’ Orange: Ben sai.

Soffrissetz
qu’ a vostr’ onransa

Fosson
mais TUICH MEI CHANTAR. (5)

Gaucelm
Faidit: Al semblan.


Rég.
Direct.

En
mon cor ai UN NOVELET CANTAR

PLANET
e LEU e qu’ el fai bon auzir

A
totz aisselhs qu’ en joy volon estar. (6)

Arnaud
de Marueil: En mon cor.


(1)
Vaut le bon coeur et le gentil parler
Et la merci et le
condescendre
Plus que richesse ni pouvoir.
(2) Grande affaire
est le conquérir,
Mais le garder est science.
(3) Quand je la
vois, me tient le voir jouissant.
(4) Bien je sais qu’ à ceux
serait dur
Qui me blâment parce que si souvent je chante,
Si
leur coûtaient mes chanters.
(5) Souffrissiez qu’ à votre
honneur
Fussent désormais tous mes chanters.
(6) En mon coeur
j’ ai un nouveau chanter
Simple et léger et qu’ il fait bon
ouir
A tous ceux qui en joie veulent être.

Rég.
ind. sans article.

AB
CELAR et AB SOFFRIR

Li
serai hom e servire. (1)

P.
Raimond de Toulouse: Altressi.

E
tal es EN GRAN POIAR (N. E. chap. pujá, puchá; pujar)

Cui
la rod’ EN BREU VIRAR

Fai
SON POIAR e DESCENDRE. (2)

Giraud
de Borneil: Honratz es hom.

Rég.
Ind. avec article.

Messatgier,
vai, e no m’ en prezes meinhs,

S’
ieu DE L’ ANAR vas mi dons sui temens. (3)

Bernard
de Ventadour: Quant erba.

Ma
dompna m fo, AL COMENSAR,

Francha
e de bella conpaigna. (4)

Bernard
de Ventadour: Estat ai.


Aux
verbes employés substantivement s’ attachent, comme aux véritables
substantifs, les pronoms possessifs, démonstratifs, etc., et tous
les différents adjectifs; en un mot, ces verbes remplissent
entièrement les fonctions des substantifs ordinaires.

La
langue romane emploie aussi substantivement les adjectifs, quand elle
s’ en sert d’ une manière impersonnelle; j’ en donnerai des exemples
dans le chapitre suivant.

(1) Avec celer et avec souffrir
Je
lui serai homme-lige et serviteur.
(2) Et tel est en grand
monter
A qui la roue en brief tourner
Fait son monter et
descendre.
(3) Messager, va, et ne m’ en prise moins,
Si moi de
l’ aller vers ma dame suis craintif.
(4) Ma dame me fut, au
commencer,
Franche et de belle société.


Adjectifs